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Conclave : la grande manipulation et les grandes manœuvres en coulisses

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« C’est comme pour le Synode, ils sont en train de manipuler les Congrégations générales. »

Dans les colonnes de la presse transalpine, les rumeurs se multiplient à mesure que se rapprochent les jours décisifs du conclave. Sous des dehors policés, les tensions sont bien réelles. La sérénité affichée par certains ne suffit plus à dissimuler les grandes manœuvres, ni la mise à l’écart médiatique des cardinaux conservateurs. L’Italie catholique observe avec une certaine inquiétude les préparatifs d’une élection qui devrait engager l’Église dans un tournant historique. Et déjà, un nom émerge comme le principal prétendant : le cardinal Pietro Parolin, ancien secrétaire d’État de François, qui s’activerait en coulisses pour réunir les suffrages nécessaires à son élection.

Mais à quel prix ? Selon plusieurs sources internes, les Congrégations générales, moments normalement dédiés à une réflexion libre et profonde entre cardinaux, seraient aujourd’hui « manipulées », au point que l’on empêche les discussions sur les questions les plus cruciales pour la vie de l’Église. Un cardinal aurait confié : « C’est comme pour le Synode, ils sont en train de manipuler les Congrégations générales. » Le temps de parole aurait été réduit à cinq minutes par intervenant, dans un contexte où beaucoup des 135 cardinaux électeurs ne se connaissent pas, et où les réalités des Églises locales sont méconnues de la majorité.Alors que la Constitution Universi Dominici Gregis prévoit un maximum de 120 électeurs, la composition surchargée de ce conclave, issue des nombreuses créations cardinalices du pontificat précédent, rend le dialogue d’autant plus nécessaire. Pourtant, la direction des travaux, confiée à un duo composé du cardinal camérier Kevin Farrell et du cardinal Parolin lui-même, impose une cadence rapide.

Certains cardinaux se plaignent même d’avoir été « oubliés » dans la liste des intervenants, comme si tout avait été orchestré pour éviter des voix trop divergentes.

Il faut dire que le cardinal Parolin semble avoir minutieusement préparé sa candidature. Apparaissant comme le successeur naturel de François, il s’efforce toutefois de prendre ses distances sur certains points pour rassurer les déçus du pontificat. Une stratégie subtile, destinée à rassembler un électorat large. D’un côté, il s’affiche fidèle à la ligne du pape défunt ; de l’autre, il laisse entendre des inflexions possibles. Mais au-delà de cette habileté politique, ce sont les zones d’ombre de son action passée qui posent question.

L’exemple le plus flagrant reste l’éviction du cardinal Becciu. Ce dernier, longtemps rival de Parolin à la Secrétairerie d’État, a été officiellement exclu du conclave à la suite de deux lettres du pape François — datées de septembre 2023 et mars 2025 — jamais notifiées au principal intéressé. La seconde aurait même été signée sous forme de motu proprio alors que le pontife était hospitalisé dans un état critique, et ne portait qu’un mystérieux « F. ». Cette mise à l’écart, brutale et tardive, a été interprétée par plusieurs cardinaux comme un « chantage » ou comme « la promesse d’un rôle futur » faite en échange d’un retrait. Mais poser des questions sur ce point demeure impossible : ce sont des sujets jugés « trop sensibles ».

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Autre fait troublant : pour sécuriser les voix qui lui manquent,une vingtaine selon certains observateurs, le cardinal italien aurait entamé des négociations directes avec des cardinaux du camp plus traditionnel. Il aurait ainsi proposé d’« abolir Traditionis Custodes », texte qui a restreint drastiquement l’usage du rite ancien ,ainsi que de revenir sur Fiducia Supplicans, document autorisant la bénédiction de couples homosexuels, en échange de leur soutien. Cette offre, qui frise le marchandage doctrinal, soulève de profondes interrogations sur les intentions véritables du candidat.

Mais c’est sans doute sur la scène internationale que le bilan du prélat Parolin apparaît le plus contesté. Architecte de l’accord signé entre le Saint-Siège et la Chine en 2018,reconduit en 2020 puis en 2024 ,le cardinal s’est montré inflexible dans la défense de ce texte. Pourtant, les résultats sont accablants : « la condition des catholiques chinois a empiré », les fidèles de l’Église clandestine ont été marginalisés, tandis que l’Église patriotique, soumise au Parti communiste, a été renforcée. Pire encore : les nominations d’évêques continuent à se faire sans l’aval de Rome, comme l’ont montré deux récentes désignations à Shanghai et Xinxiang, annoncées par Pékin après la mort de François. Un camouflet, qui sonne comme un désaveu final d’un accord dénoncé depuis des années par le cardinal Zen.

Justement, la présence de ce dernier à Rome,malgré ses 93 ans et le procès qui le vise en Chine,est un rappel silencieux mais poignant. Bien qu’il ait pu obtenir une autorisation exceptionnelle pour se rendre au Vatican, il est réduit au silence : dénoncer le cardinal Parolin reviendrait pour lui à critiquer indirectement Pékin, et donc à risquer la prison dès son retour à Hong Kong. Ce climat d’intimidation en dit long. Et pourtant, sa seule présence devrait suffire à faire réfléchir :

Peut-on élire un pape dont les choix ont conduit à l’abandon des fidèles persécutés ?

La question est posée. Dans ce conclave où tout semble précipité, où les débats sont verrouillés, et où les doctrines deviennent des monnaies d’échange, il est urgent de rappeler que l’Église ne peut se gouverner comme une chancellerie. Ce n’est pas d’un stratège dont elle a besoin, mais d’un père. Que l’Esprit Saint éclaire les consciences, et suscite un vrai pasteur pour l’Église du Christ.

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