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[ Editorial] Y a-t-il des guerres qui ne soient pas cruelles ?

Un blockhaus allemand sur la côte atlantique, vestige de la Seconde Guerre mondiale - DR
Un blockhaus allemand sur la côte atlantique, vestige de la Seconde Guerre mondiale - DR
Ce conflit, déclenché par une agression sans précédent, interroge sur la cruauté inévitable de la guerre et les responsabilités de chacun.

Les récentes déclarations du pape François dénonçant la « cruauté » des frappes israéliennes dans la guerre à Gaza soulèvent des interrogations sur la nature même de la guerre et sur la manière dont elle est jugée sur le plan éthique. Toute guerre est tragique, et chaque perte humaine, qu’elle soit israélienne ou palestinienne, est un drame irréparable. Il n’existe pas de vie qui vaille plus cher qu’une autre, et chaque mort représente une atteinte au caractère sacré de la vie humaine.

Cependant, la logique même de la guerre, une fois enclenchée, tend à nier cette sacralité. C’est là une réalité brutale mais indéniable : lorsque la guerre commence, elle suit une logique implacable qui rend illusoire tout retour en arrière permettant de distinguer la cruauté de la stratégique militaire.

Il ne s’agit pas ici de prendre parti pour ou contre l’une des parties impliquées dans ce conflit, mais de tenter d’analyser la situation avec recul et objectivité. Les émotions, bien qu’intenses et légitimes face à la souffrance humaine, ne doivent pas nous enfermer dans une vision partiale ou réductrice. Nous ne condamnons pas ces élans de compassion ou d’indignation, car ils témoignent de notre humanité, mais il est crucial de dépasser ces sentiments pour comprendre les dynamiques profondes du conflit, ses origines, et les responsabilités qui en découlent. Seule une analyse lucide, débarrassée des jugements hâtifs, peut offrir des clés de lecture pour envisager des pistes vers la paix.

Le 7 octobre 2023, Israël a été frappé par une attaque barbare du Hamas, marquée par des assassinats de masse, des prises d’otages et des actes de terreur visant des civils innocents. Ce sont ces actes qui ont déclenché le conflit actuel. Face à une telle agression, Israël a été contraint de réagir pour protéger sa population et éviter la répétition de telles atrocités. Les opérations militaires israéliennes ne sont pas motivées par un désir de destruction gratuite, mais par une stratégie visant à neutraliser une organisation terroriste qui menace constamment la sécurité de son peuple.

A cela s’ajoutent des réalités géopolitiques historiques qui placent Israël dans une position unique : un État constamment menacé par son environnement régional. Depuis sa création en 1948, Israël vit en « mode survie » en permanence , l’on a l’impression que  » l’état d’urgence  » est une réalité du quotidien pour les habitants de l’état hébreu.

Israël est entouré de pays arabes, dont plusieurs ont historiquement rejeté son droit d’exister. Parmi ces voisins, on trouve le Liban (au nord), où le Hezbollah, soutenu par l’Iran, ne cache pas son hostilité envers l’État hébreu, la Syrie (au nord-est), toujours techniquement en guerre avec Israël et alliée de l’Iran.La Jordanie (à l’est), bien qu’ayant signé un traité de paix en 1994, où de fortes tensions persistent dans l’opinion publique à l’égard d’Israël.L’Égypte (au sud-ouest), signataire d’un traité de paix en 1979, mais où les relations restent limitées à un niveau stratégique minimal et la bande de Gaza (au sud), contrôlée par le Hamas, qui appelle explicitement à la destruction d’Israël.

Parmi ces pays, peut-on en citer un seul qui soit véritablement favorable à l’existence de l’État hébreu ? En réalité, même les accords de paix signés avec certains voisins restent fragiles et teintés de méfiance. Cette hostilité constante explique pourquoi Israël ne peut baisser sa garde. Son état de « survie permanente » n’est pas un choix, mais une nécessité face à un environnement géopolitique hostile.

L’histoire nous enseigne que certaines stratégies militaires, toujours cruelles par définition, ont été nécessaires pour mettre fin à des conflits prolongés et préserver la paix. En 1945, les États-Unis ont utilisé la bombe atomique pour forcer la capitulation du Japon, une décision qui a mis fin à la Seconde Guerre mondiale mais au prix d’un lourd tribut humain. Cette décision a néanmoins évité une invasion terrestre qui aurait causé encore davantage de pertes des deux côtés. Comme l’a déclaré Winston Churchill : « La guerre est avant tout un catalogue de souffrances. » Cependant, il ajoutait que l’inaction face à une menace mortelle n’était pas une option.

Les exemples de la cruauté des guerres abondent au 20ᵉ siècle: La Première Guerre mondiale a plongé des millions de soldats dans l’horreur des tranchées, où la vie humaine était broyée par des attaques incessantes et l’utilisation de gaz toxiques. La Seconde Guerre mondiale a poussé cette brutalité à un niveau industriel avec des villes rasées, des population affamées, et summum de la cruauté et de l’horreur, des camps de concentration et l’extermination d’un peuple, laissant des millions de victimes civiles et militaires.

Plus près de nous, le génocide rwandais a révélé l’effroyable logique de massacres planifiés, tandis que la guerre de Syrie a vu l’utilisation d’armes chimiques et la destruction massive de villes entières. À chaque fois, ces conflits montrent que, lorsque la guerre éclate, la distinction entre combattants et civils peut rapidement disparaitre, entraînant une spirale de souffrances incommensurables.

Dans la guerre actuelle à Gaza, la perte de vies humaines est tragique, qu’elle soit israélienne ou palestinienne. Mais accuser Israël de persécutions revient à occulter le fait que ses actions répondent à une stratégie militaire dans un contexte où il s’agit de défendre sa population contre une organisation terroriste.

Le Hamas, de son côté, non seulement cible délibérément les civils israéliens, mais utilise également les civils palestiniens comme boucliers humains, plaçant ses infrastructures militaires dans des zones densément peuplées. Cette stratégie cynique aggrave encore le bilan humain et rend la guerre plus cruelle, tout en servant à manipuler l’opinion publique.

Ce conflit, dans toute sa brutalité, rappelle toute l’horreur de la guerre entre les hommes, quels qu’ils soient. À ce stade, seule la prière pourrait permettre de mettre fin à ce drame afin d’envisager de bâtir une paix qui prévaudra sur la haine.

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