La proposition de Rachida Dati, ministre de la Culture, d’instaurer une entrée payante ( 5€) pour certaines zones de la cathédrale Notre-Dame de Paris a suscité de vifs débats et une rapide opposition du diocèse de Paris.
Pourtant elle mérite une réflexion plus approfondie. Si cette initiative trouve son origine dans la nécessité de financer la restauration et l’entretien du monument, elle s’inspire d’un modèle efficace déjà appliqué par des monuments emblématiques, comme la cathédrale de Milan.
À Milan, l’introduction d’une billetterie pour l’accès aux terrasses, aux reliques sacrées et dans les espaces culturels du monument a permis à la cathédrale de maintenir son état de préservation tout en garantissant son accessibilité à un large public.
Pourquoi ce modèle ne pourrait-il pas être adapté à Notre-Dame de Paris ?
La cathédrale de Milan, avec ses millions de visiteurs chaque année, propose un tarif pour l’accès à certaines parties de l’édifice, comme les terrasses et les tours . Par exemple, l’accès aux terrasses du Duomo coûte environ 19 € (avec option ascenseur), tandis qu’un billet combiné donnant accès à la cathédrale, aux tours et au musée est proposé à partir de 26 €.
Ces entrées payantes permettent de financer la restauration et l’entretien du monument, tout en offrant aux visiteurs une vue panoramique imprenable sur Milan, la possibilité de découvrir l’histoire de la cathédrale et d’admirer des reliques sacrées, des vitraux et des objets liturgiques.
Ce modèle, qui distingue clairement les espaces culturels et touristiques des espaces de prière , est non seulement une solution efficace pour la préservation de l’édifice, mais aussi un moyen d’assurer sa pérennité.
Avant l’incendie de 2019, l’accès aux tours de Notre Dame se faisait par l’achat d’un billet au prix plein tarif de 10 € ( 8 € avec réduction ) et les nombreux touristes de passage comprenaient parfaitement cette barrière tarifaire. Le distinguo entre le 100 % culturel et le cultuel était évident.
Autres exemples de cathédrales avec billetterie
Rappelons que l’entrée aux terrasses et au cloître de la cathédrale de Barcelone (Espagne) est payante, avec un tarif variant entre 8 et 12 € selon l’option choisie (ascenseur ou escalier). De même, l’accès aux tours de la cathédrale de Saint-Étienne de Vienne (Autriche) est payant, coûtant environ 5 à 6 €, tandis que l’entrée pour la prière reste gratuite.
À la cathédrale de Florence (Italie), l’entrée pour la visite de la coupole et des autres parties du complexe du Duomo est d’environ 18 à 20 € pour un billet combiné, tandis que l’accès aux tours coûte autour de 10 à 12 € pour une montée aux terrasses.
La cathédrale de Chartres (France) demande un billet payant allant de 6 à 9 € pour la visite des cryptes et des tours. L’accès à la plateforme de la tour de la cathédrale de Cologne (Allemagne) est de 6 €, mais les services religieux sont gratuits.
La cathédrale de Saint-Paul à Londres (Royaume-Uni) propose des visites payantes au tarif d’environ 20 £ (soit 23 €), avec des réductions pour les jeunes, étudiants et enfants, tandis que l’accès aux services religieux est gratuit. Enfin, pour la cathédrale de Reims (France), l’entrée pour visiter les tours et certaines parties spécifiques de la cathédrale est d’environ 8 €.
Un modèle applicable à Notre-Dame de Paris
L’idée d’instaurer une billetterie pour certaines parties de la cathédrale, ne pose pas de difficulté opérationnelle majeure. En effet, l’organisation de l’accès payant à ces zones peut se faire de manière fluide et bien structurée, comme cela est le cas dans de nombreux sites touristiques majeurs dans le monde.
Par exemple, les visiteurs pourraient acheter leurs billets en ligne ou sur place, avec des tarifs différents selon l’âge et la catégorie (tarif réduit pour les jeunes, les étudiants ou les familles). Les visites guidées pourraient être proposées en option, tout en assurant une gestion efficace du flux de visiteurs pour ne pas perturber le quotidien de la cathédrale en tant que lieu de culte.
Les visiteurs accédant à ces espaces payants pourraient découvrir l’histoire de la cathédrale ainsi que des objets liturgiques, les reliques et le trésor tout en admirant la vue panoramique sur Paris depuis les tours. Cependant, cette billetterie serait strictement séparée des célébrations religieuses, afin de préserver l’accès gratuit à la prière, aux messes et aux sacrements. Les espaces cultuels de Notre-Dame, tels que la nef, le chœur resteraient ouverts à tous, sans frais d’entrée, comme cela se fait déjà dans de nombreuses cathédrales et églises dans le monde.
Notons qu’une tenue adéquate serait toujours requise pour accéder aux espaces de recueillement comme c’est le cas à la basilique Saint Pierre de Rome où d’eux-mêmes les touristiques qui ne ressentent pas le besoin de prier laissent de coté les espaces où des messes sont célébrées et où l ‘adoration est organisée.
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Distinguer le cultuel du culturel
L’un des arguments les plus forts en faveur de l’entrée payante pour certaines parties de Notre-Dame de Paris est qu’elle permettrait de distinguer clairement le cultuel du culturel, sans compromettre l’ouverture universelle de la cathédrale et de l’Eglise en tant que lieu de culte et de recueillement.
L’accès à la prière, aux célébrations liturgiques, ainsi qu’aux événements religieux resterait entièrement gratuit, comme il se doit. Ce modèle permettrait ainsi de séparer les aspects spirituels de la cathédrale, qui relèvent de la vocation de l’Église, des aspects culturels et touristiques, qui sont davantage liés à sa gestion en tant que monument historique.
Concrètement, cette distinction opérationnelle se ferait par une gestion claire des flux de visiteurs : les touristes qui souhaitent découvrir l’histoire et l’architecture de Notre-Dame, ou ceux qui veulent visiter les tours ou le trésor, paieraient un tarif spécifique, tandis que ceux qui viennent pour prier ou assister à la messe n’auraient pas à s’acquitter d’un tarif. Les entrées payantes seraient donc limitées aux zones spécifiquement culturelles, sans jamais interférer avec les espaces de culte. Cette organisation garantira un équilibre parfait entre la préservation de l’édifice et son rôle spirituel.
Il est important de noter que l’entrée payante dans ces cathédrales concerne des zones spécifiques et non les espaces de culte. À Milan, par exemple, les visiteurs doivent payer pour accéder aux terrasses, au trésor et aux tours, mais peuvent assister aux services religieux gratuitement. La cathédrale reste ainsi un lieu de culte accessible à tous, sans frais, tout en permettant un financement du patrimoine historique par les visiteurs qui viennent pour l’aspect culturel.
un modèle équilibré pour l’avenir de Notre-Dame
L’introduction d’une billetterie pour certaines zones de Notre-Dame de Paris parait une solution pragmatique qui permettrait à la fois de préserver ce patrimoine exceptionnel et de garantir un accès à tous, sans compromettre la mission spirituelle de la cathédrale. À l’instar de la cathédrale de Milan, où la distinction entre le spirituel et le culturel est bien respectée, Notre-Dame pourrait devenir un modèle de gestion durable du patrimoine religieux.
En suivant cette voie, la ministre Rachida Dati semble proposer une solution équilibrée qui répond aux défis économiques contemporains du patrimoine religieux tout en respectant l’universalité et l’ouverture de l’Église. L’essentiel reste que Notre-Dame de Paris continue de briller, tant sur le plan spirituel que culturel, pour les générations futures.