Tribune Chrétienne

Depuis 2000 ans

[ Exclusif] De Bergoglio au Pape François, le livre d’une vie

Dans ce livre autobiographique dont la sortie est prévue en France ce mercredi 20 mars, le Pape François passe en revue sa vie. Il revient sur son enfance,ses espoirs, ses craintes et ses erreurs…

Le Corriere della Sera présente en avant-première mondiale les principaux passages du livre , nous vous les proposons en Français :

L’autobiographie s’intitule “Life. Ma vie dans l’Histoire”, elle sortira en Amérique et en Europe chez l’éditeur HarperCollins. Elle a été écrite par le pape François avec Fabio Marchese Ragona, vaticaniste de Mediaset et ami personnel du Souverain Pontife.

C’est le récit de quatre-vingt-huit ans de vie de Jorge Mario Bergoglio, entrelacés aux grands événements de l’histoire, d’Hiroshima à la pandémie.

Le Pape commence par évoquer ses grands-parents:

“Grand-mère Rosa, ma grand-mère paternelle, a été une figure fondamentale pour ma formation. Mes grands-parents parlaient piémontais ; c’est pourquoi le piémontais a été ma première langue maternelle.” Grand-père Giovanni avait fait la Première Guerre mondiale. Dans les lettres des parents restés à Portacomaro, dans l’Astigiano, arrivaient dans la maison Bergoglio de Buenos Aires les chroniques de la Seconde Guerre mondiale : les hommes n’étaient pas allés au front, ils étaient restés dans les champs à travailler, et les femmes veillaient à l’arrivée des inspections militaires : “Si elles portaient quelque chose de rouge, les hommes devaient s’enfuir pour se cacher. Des vêtements blancs, en revanche, indiquaient qu’il n’y avait pas de patrouilles et donc on pouvait continuer à travailler”.

Sauvés du naufrage Grand-mère Rosa et grand-père Giovanni, avec leur fils Mario – le père du pape -, auraient dû partir pour l’Argentine en octobre 1927, depuis le port de Gênes, sur le navire Principessa Mafalda. Mais le grand-père n’a pas réussi à obtenir à temps l’argent pour les billets, et a dû reporter le voyage. La Principessa Mafalda a coulé au large des côtes du Brésil : trois cents émigrants ont péri. Les Bergoglio sont partis ensuite en février 1929, avec le Giulio Cesare. “Après deux semaines, ils sont arrivés en Argentine et ont été accueillis à l’Hotel de Inmigrantes, un centre d’accueil pour les migrants pas trop différent de ceux dont on entend parler aujourd’hui”.

François évoque également son enfance :

“Mes parents nous emmenaient au cinéma de quartier pour voir les films d’après-guerre. Je les ai tous vus. Je me souviens particulièrement de “Roma città aperta” de Rossellini : un chef-d’œuvre. Mais aussi “Paisà” ou “Germania anno zero”, ou encore “Les enfants nous regardent” de Vittorio De Sica. Autre chose en revanche est “La Strada”, le film que j’ai le plus aimé et que j’ai vu quand j’étais déjà plus grand : il n’a rien à voir avec la guerre, mais j’aime le citer parce que Federico Fellini a su mettre en lumière les derniers”. Parmi les chansons, le petit Jorge aimait particulièrement “O sole mio” et “Dove sta Zazà”.

DR VATICAN NEWS – avec sa grand-mère

François évoque son enseignant communiste:

Très important pour la formation de l’étudiant Bergoglio a été son chef de laboratoire, Esther,

“une femme formidable, je lui dois vraiment beaucoup. C’était une communiste de celles qui existent vraiment, athée mais respectueuse : même si elle avait ses idées, elle n’attaquait jamais la foi.

Et elle m’a beaucoup appris sur la politique : elle me donnait à lire des publications, dont celle du parti communiste, Nuestra Palabra… Quelqu’un, après mon élection comme Pape, a dit que je parle souvent des pauvres parce que moi aussi je serais un communiste ou un marxiste.

Même un cardinal ami m’a raconté qu’une dame, une bonne catholique, lui avait dit être convaincue que le Pape François était l’antipape. La motivation ? Parce que je ne porte pas de chaussures rouges ! Mais parler des pauvres ne signifie pas automatiquement être communiste : les pauvres sont le drapeau de l’Évangile et sont dans le cœur de Jésus !… Dans les communautés chrétiennes, on partageait la propriété : ce n’est pas du communisme, c’est du christianisme à l’état pur !”.

Le Pape François parle de son amie d’enfance et de l’amour :

“Pendant cette année au séminaire, j’ai aussi eu un petit coup de cœur : c’est normal, sinon nous ne serions pas des êtres humains. J’avais déjà eu une petite amie dans le passé, une fille très douce qui travaillait dans le monde du cinéma et qui s’est ensuite mariée et a eu des enfants. Cette fois, j’étais au mariage d’un de mes oncles et j’ai été ébloui par une fille. Elle m’a vraiment tourné la tête tant elle était belle et intelligente. Pendant une semaine, son image était toujours dans mon esprit et il m’a été difficile de réussir à prier ! Puis heureusement, cela est passé, et j’ai consacré âme et corps à ma vocation”.

Puis le Pontife fustige les pro-avortements:

“Nous devons toujours défendre la vie humaine, de la conception à la mort ; je ne me lasserai jamais de dire que l’avortement est un meurtre, un acte criminel, il n’y a pas d’autres mots : cela signifie rejeter, éliminer une vie humaine qui n’est pas coupable. C’est une défaite pour ceux qui le pratiquent et pour ceux qui se rendent complices : des tueurs à gages, des sicaires !

Plus jamais d’avortements, s’il vous plaît ! Il est fondamental de défendre et de promouvoir toujours l’objection de conscience”. Le Pape condamne également “la pratique de la gestation pour autrui, une pratique inhumaine et de plus en plus répandue qui menace la dignité de l’homme et de la femme, avec les enfants traités comme des marchandises”.

Le pape revient sur le coup d’État en Argentine durent lequel il a caché et protégé trois séminaristes liés à monseigneur Angelelli, ensuite assassiné par la dictature:

“Ces trois séminaristes m’ont aidé à accueillir d’autres jeunes à risque comme eux, au moins une vingtaine en deux ans. Je pense que les services secrets me surveillaient, c’est pourquoi je me débrouillais d’une manière ou d’une autre pour les tromper quand j’étais au téléphone ou quand j’écrivais une lettre… On m’a présenté le cas d’un garçon qui avait besoin de fuir l’Argentine : j’ai remarqué qu’il me ressemblait et j’ai réussi à le faire fuir habillé en prêtre et avec ma carte d’identité. Cette fois, j’ai beaucoup risqué : s’ils l’avaient découvert, sans aucun doute ils l’auraient tué, et puis ils seraient venus me chercher”.

“Ce fut un génocide générationnel” écrit le Pape, qui ajoute : “Les accusations contre moi ont continué jusqu’à peu de temps avant. Le 8 novembre 2010, j’ai aussi été interrogé comme personne informée des faits pour le procès sur les crimes commis pendant le régime. L’interrogatoire a duré quatre heures et dix minutes : un feu roulant de questions… Plus tard, certaines personnes m’ont confié que le gouvernement argentin de l’époque avait tout essayé pour me mettre la corde au cou, mais qu’à la fin ils n’avaient trouvé aucune preuve parce que j’étais propre”.

Le gouvernement de l’époque était dirigé par Cristina Kirchner : d’où la froideur dans leurs relations. Maintenant, le nouveau président Javier Milei l’a invité en Argentine, mais le Pape explique qu’il n’a pas encore décidé du voyage.

Pourquoi ne regarde-t-il pas la télévision ?

Dans le livre, le Pape parle de Maradona, Messi et de sa passion pour le football, mais explique pourquoi il ne regarde pas à la télévision les matches de l’Argentine.

DR VATICAN NEWS

“C’était le 15 juillet 1990. Alors que nous, confrères, étions en train de regarder la télévision dans la salle de récréation, des scènes peu délicates ont été diffusées, pour utiliser un euphémisme, quelque chose qui ne faisait certainement pas de bien au cœur. Rien d’osé, bien sûr, mais une fois de retour en chambre, j’ai dit en moi-même : “Un prêtre ne peut pas regarder ces choses”. Et ainsi, le lendemain, à la messe pour la fête de Notre-Dame du Carmel, j’ai fait le vœu de ne plus regarder la télévision !”.

Le jeune Bergoglio a connu l’éxil

Jeune chef des jésuites argentins, José Bergoglio tombe en disgrâce et est envoyé à Cordoue en exil par punition. Réveil à quatre heures et demie, prière, salle de bains commune, une petite cellule, le numéro 5. Il s’occupe des confrères malades, les lave, dort à leurs côtés, aide à la buanderie :

“Se mettre au service des plus fragiles, des plus pauvres, des derniers est ce que chaque homme de Dieu, surtout s’il est aux commandes de l’Église, devrait faire : être des pasteurs avec l’odeur des brebis”.

Un jour, il propose de cuisiner pour le mariage de la nièce de Ricardo, le “fais-tout” du couvent : il fait bouillir la viande dans deux casseroles, épluche les pommes de terre, prépare un timballo de riz. Certains jésuites murmurent : “Bergoglio est fou”. En réalité, Bergoglio réfléchit aux erreurs “commises à cause de mon attitude autoritaire, au point d’être accusé d’être ultraconservateur. Ce fut une période de purification. J’étais très renfermé sur moi-même, un peu déprimé”.

Puis l’ascension commence :

Evêque auxiliaire de Buenos Aires, archevêque, cardinal. Lorsque le Pape Benoît démissionne, José Bergoglio est convoqué avec les autres à Rome. Le Pape Benoit Ratzinger rencontre les cardinaux et promet “une révérence et une obéissance inconditionnelles au nouveau Pape qui serait élu au conclave, et qui était parmi nous. Ce qui m’a plutôt attristé, au fil des ans, c’est de voir comment sa figure de Pape émérite a été instrumentalisée à des fins idéologiques et politiques par des gens sans scrupules qui, n’ayant pas accepté sa démission, ont pensé à leur propre intérêt et à leur propre jardin à cultiver, sous-estimant la possibilité dramatique d’une fracture au sein de l’Église”.

Pour éviter cette dérive, François va immédiatement rendre visite à Benoît XVI à Castel Gandolfo. “Nous avons décidé ensemble qu’il valait mieux qu’il ne vive pas dans la cachette, comme il l’avait d’abord envisagé, mais qu’il voie des gens et participe à la vie de l’Église. Malheureusement, cela n’a pas beaucoup servi, car les polémiques n’ont pas manqué en dix ans et elles ont fait du mal à nous deux”.

DR VATICAN NEWS

Concernant son élection il révèle qu’il était en tête dès le début :

“Lors du premier vote, j’ai failli être élu, et à ce moment-là, le cardinal brésilien Claudio Hummes s’est approché de moi et m’a dit : “N’aie pas peur, hein ! C’est ainsi que le Saint-Esprit agit !”. Puis, lors du troisième vote de cet après-midi-là, au soixante-dix-septième vote, lorsque mon nom a atteint les deux tiers des préférences, tous ont applaudi longuement. Pendant que le dépouillement continuait, Hummes est revenu vers moi, m’a embrassé et m’a dit : “N’oublie pas les pauvres…”. Et là, j’ai choisi le nom que j’aurais comme Pape : François”.

Francois s’exprime sur la pandémie Covid 19 :

“Quand la première dose est arrivée au Vatican, je me suis tout de suite inscrit et j’ai aussi fait les rappels et, grâce à Dieu, je n’ai jamais été contaminé”. Le Pape n’a donc jamais eu le Covid. Il a cependant été hospitalisé à plusieurs reprises pour d’autres raisons, et il a remarqué que “certains étaient plus intéressés par la politique, par la campagne électorale, pensant presque à un nouveau conclave. Soyez tranquilles, c’est humain, il n’y a pas de quoi être scandalisé ! Quand le Pape est à l’hôpital, beaucoup de pensées lui viennent à l’esprit, et il y en a aussi qui spéculent pour leur propre profit ou pour gagner de l’argent sur les journaux. Heureusement, malgré les moments de difficulté, je n’ai jamais pensé à démissionner”.

Au sujet de l’Europe,

Dans l’Union européenne “chaque peuple apporte ses richesses, sa culture, sa philosophie et doit pouvoir les maintenir, s’harmonisant dans les différences. J’en ai parlé précisément à Budapest parce que j’espère que ces paroles seront écoutées à la fois par le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, pour qu’il comprenne qu’il y a toujours besoin d’unité, et par Bruxelles – qui semble vouloir tout uniformiser – pour qu’elle respecte la singularité hongroise”.

L’écologie…

Le Pape dans le livre s’exprime à plusieurs reprises en faveur de la paix, du travail, contre les marchands d’armes et les excès de la finance. Il lance ensuite un appel à la protection de la création – “le temps presse, il nous reste peu de temps pour sauver la planète” -, invitant les jeunes à “faire du bruit”, sans recourir à la violence et sans “défigurer les œuvres d’art”.

Les homosexuels :

“Je m’imagine une Église mère, qui embrasse et accueille tous, même ceux qui se sentent mal et ceux qui ont été jugés par nous dans le passé. Je pense aux personnes homosexuelles ou transsexuelles qui recherchent le Seigneur et qui, au contraire, ont été rejetées ou chassées”. Le Pape confirme “les bénédictions aux couples irréguliers : je veux seulement dire que Dieu aime tout le monde, surtout les pécheurs. Et si des frères évêques décident de ne pas suivre cette voie, cela ne signifie pas que ce soit l’antichambre d’un schisme, car la doctrine de l’Église n’est pas remise en question”.

Le mariage homosexuel n’est pas possible, mais les unions civiles oui : “Il est juste que ces personnes qui vivent le don de l’amour puissent avoir une couverture légale comme tout le monde. Jésus allait souvent à la rencontre des personnes qui vivaient en marge, et c’est ce que l’Église devrait faire aujourd’hui avec les personnes de la communauté LGBTQ+, qui sont souvent marginalisées à l’intérieur de l’Église : les faire se sentir chez elles, surtout celles qui ont reçu le baptême et font partie intégrante du peuple de Dieu.

Et ceux qui n’ont pas reçu le baptême et qui désirent le recevoir, ou ceux qui désirent être parrain ou marraine, s’il vous plaît, qu’ils soient accueillis”.

A propos de ses opposants,

Le Pape écrit que si j’avais su comment ça allait se passer, je n’aurais jamais accepté l’élection : “L’un des moments les plus difficiles a été la fameuse lettre des cardinaux. Ils ont dit que je semais la confusion. Deux mots : ils ont utilisé la même phrase que Ratzinger avait employée pour dire que je ne pouvais pas être abbé primat du monastère de la Grande Chartreuse ! Cela a vraiment été dur pour moi. Et puis il y avait les critiques de certains catholiques. Je pense qu’ils avaient le droit de ne pas être d’accord avec mes choix, mais ils n’avaient pas le droit de m’attaquer sur des questions personnelles. Certaines personnes ne m’ont jamais pardonné d’être devenu Pape”.

Sur la Curie romaine,

Les scandales de la Curie continuent, mais François assure :

“C’est un petit groupe : mais ce petit groupe cause beaucoup de dégâts. Il suffit d’un petit levier pour faire tomber un grand bâtiment”. Et il ajoute : “Le Pape précédent a fait beaucoup pour purger l’Église de la pédophilie, mais il n’a pas assez poussé le nettoyage dans les arcanes du Vatican. Je pense avoir un peu poussé le bouchon et qu’ils se sont sentis menacés”.

Source et extraits adaptés de Corriere Della Sera

Recevez chaque jour notre newsletter !

Lire aussi :