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Espionnage et influence : que se passe-t-il dans les églises orthodoxes russes en Europe ?

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En Suède, l’affaire de Västerås ravive les soupçons. Entre foi sincère et stratégie d’influence, la question reste ouverte

En 2024, Le Canard enchaîné levait le voile sur ce que certains appellent déjà « les taupes of the popes » : un réseau d’influence religieuse que le Kremlin utiliserait comme relais à l’étranger pour des opérations discrètes, allant de la collecte d’informations au recrutement d’agents. Selon l’hebdomadaire satirique, des églises orthodoxes russes présentes en France et ailleurs en Europe seraient utilisées comme points d’appui du FSB et du SVR, les services de renseignement russes.Quelques mois plus tard, le 16 août 2024, le quotidien suédois VLT révélait qu’un prêtre officiant dans l’église orthodoxe russe de Västerås avait reçu une décoration du SVR, confirmant, selon le journal, qu’il collaborait avec les services russes depuis plusieurs années. Une information qui a relancé les inquiétudes des services de sécurité suédois. Ce prêtre, affecté dans une église inaugurée fin 2023, est aujourd’hui au cœur de soupçons persistants, même si aucune inculpation n’a été rendue publique.

Les faits rapportés par VLT s’inscrivent dans un contexte plus large. En 2023, un représentant de l’Église orthodoxe russe en Bulgarie a été expulsé pour « espionnage », et dès 2021, le FBI affirmait que certains prêtres russes sur le territoire américain avaient été impliqués dans des opérations de recrutement pour le compte du FSB.En Suède, la question prend une tournure particulière. L’église orthodoxe de Västerås, dédiée à l’icône de Notre-Dame de Kazan, a été décrite par l’expert Patrik Oksanen comme « le joyau de la couronne du patriarcat orthodoxe russe dans les pays d’Europe du Nord ». Située dans une clairière boisée, près d’un aéroport stratégique, son implantation étonne.

« Tout ça n’est pas normal. En Suède, les lieux de culte sont généralement ouverts au public. On n’aurait pas dû laisser cette église se construire ici », affirme Elisabeth Unell, élue locale.

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« Influence, espionnage… L’Église orthodoxe russe, cheval de Troie de Moscou en Suède », écrivait Sébastian Seibt le 4 juillet 2025. Dans un reportage diffusé dans Reporters, France 24 abordait les soupçons croissants autour de plusieurs églises orthodoxes russes en Suède, dont celle de Västerås. Les journalistes ont évoqué trois affaires de tensions autour de lieux de culte liés au patriarcat de Moscou, dans un climat sécuritaire de plus en plus tendu depuis l’adhésion de la Suède à l’OTAN.Les représentants de l’Église, eux, récusent toute implication dans des affaires de renseignement. Pour eux, ces accusations relèvent de la suspicion injustifiée, alimentée par le climat politique international. L’ambassade russe à Stockholm a dénoncé une campagne de stigmatisation et rappelle que ces lieux de culte ont pour vocation première de servir les fidèles orthodoxes russes vivant à l’étranger.

Ces affaires, aussi sensibles que complexes, invitent à la prudence. Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur une communauté religieuse dans son ensemble, ni de nier l’importance de la liberté de culte. Mais face à des signaux répétés, les autorités de certains pays choisissent de rester vigilantes. L’équilibre entre protection nationale et respect des droits fondamentaux reste plus que jamais d’actualité.

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