Samedi 4 août, le pape François a publié une lettre soulignant l’importance de la littérature dans la formation des candidats au sacerdoce, et plus largement, de tous les agents pastoraux et chrétiens. Ce plaidoyer pour l’inclusion de la lecture de romans et de poèmes dans le parcours de maturation personnelle insiste sur plusieurs points clés.
La littérature, un outil de formation intellectuelle
François commence par évoquer comment la lecture de bons livres peut offrir un refuge face à l’ennui, la solitude, et même des moments de crise personnelle. Il rappelle l’époque où, avant l’omniprésence des médias numériques, les livres jouaient un rôle crucial dans l’évasion et la sérénité intérieure. Le souverain pontife affirme que la lecture active et stimule l’imagination et permet une interaction personnelle et unique avec le texte, enrichissant ainsi l’univers personnel du lecteur.
« Contrairement aux médias audiovisuels où le produit est plus complet et où la marge et le temps pour « enrichir” le récit et l’interpréter sont généralement réduits, le lecteur est beaucoup plus actif dans la lecture d’un livre. »
Le Pape critique le manque d’attention accordée à la littérature dans les séminaires, où elle est souvent vue comme une forme de divertissement plutôt qu’un outil essentiel de formation. Il appelle à un changement de paradigme pour intégrer la littérature comme un accès privilégié à la culture humaine et à la profondeur de l’être humain.
« Cela m’amène à apprécier très positivement le fait que, au moins dans certains séminaires, l’on dépasse l’obsession des écrans -et des fausses nouvelles empoisonnées, superficielles et violentes – pour consacrer du temps à la littérature, à des moments de lecture sereine et gratuite, et à parler de ces livres, nouveaux ou anciens, qui continuent de nous dire tant de choses.«
François partage ses expériences d’enseignement de la littérature, illustrant comment il a réussi à intéresser ses élèves en leur permettant de lire des œuvres qu’ils trouvaient attrayantes. Il affirme que cette approche a cultivé chez eux un amour pour la littérature en général.
« J’ai appris cela jeune avec mes étudiants. Entre 1964 et 1965, à 28 ans, j’ai été professeur de littérature à Santa Fe dans une école de jésuites.J’enseignais les deux dernières années du lycée et je devais veiller à ce que mes élèves étudient Le Cid. Mais les jeunes n’aimaient pas ça. Ils demandaient à lire García Lorca.«
Le pape François souligne l’importance de la littérature pour dialoguer avec la culture contemporaine. Il cite le Concile Vatican II, qui valorise la capacité de la littérature à exprimer la nature humaine. Ignorer la littérature, c’est passer à côté de l’essence même des expériences humaines profondes.
La littérature a donc à voir, d’une manière ou d’une autre, avec ce que chacun désire de la vie, puisqu’elle entre en relation intime avec son existence concrète, avec ses tensions essentielles, ses désirs et ses significations.
Un outil de discernement spirituel et personnel
François voit la lecture comme une forme d’exercice de discernement qui permet aux futurs prêtres de développer une sensibilité profonde et une compréhension empathique de l’expérience humaine. La littérature, selon lui, aide à accéder à une vérité personnelle et spirituelle en explorant les nuances de la condition humaine.
« À bon droit, le Concile Vatican II affirme que « la littérature et les arts […] s’efforcentd’exprimer la nature propre de l’homme» et « de mettre en lumière les misères et les joies, les besoins et les énergies ».[3]En vérité, la littérature s’inspire de la quotidienneté de la vie, de ses passions et de la réalité des événements tels que « l’action, le travail, l’amour, la mort et toutes les pauvres choses qui remplissent la vie ».
Le Pape évoque les bienfaits pragmatiques de la lecture, tels que l’élargissement du vocabulaire, la stimulation de l’imagination, et la réduction du stress. Mais au-delà de ces avantages, la littérature prépare à comprendre et à affronter diverses situations de la vie, en permettant au lecteur de voir à travers les yeux des autres, développant ainsi l’empathie et la compassion.
« Qu’a fait Paul ? Il a compris que la littérature «découvre les abîmes qui habitent l’homme, tandis que la révélation, puis la théologie, s’en emparent pour montrer comment le Christ vient les traverser et les illuminer ».
Le pape François termine en soulignant que la littérature joue un rôle essentiel dans l’éducation du cœur et de l’esprit des futurs prêtres, élargissant leur sensibilité humaine et leur ouverture spirituelle. Il appelle à une redécouverte de la puissance spirituelle de la littérature pour enrichir le discours ecclésial et le ministère sacerdotal.
« En ce qui concerne la forme du discours, voici ce qui se passe: la lecture d’un texte littéraire nous met en position de «voir à travers les yeux des autres»[30]en acquérant une largeur de perspective qui élargit notre humanité. » et de poursuivre « Le regard de la littérature forme le lecteur au décentrement, au sens de la limite, au renoncement à la domination cognitive et critique sur l’expérience, lui apprenant une pauvreté qui est source d’une extraordinaire richesse.
En ce sens, la littérature aide le lecteur à briser les idoles des langages autoréférentiels faussement autosuffisants, statiquement conventionnels, qui risquent parfois de polluer même notre discours ecclésial en emprisonnant la liberté de la Parole.
Le Saint Père termine sa lettre en indiquant que la littérature remplit ainsi une mission spirituelle importante : celle de nommer et de donner du sens, à l’instar de la tâche confiée par Dieu à Adam. Cette affinité entre le prêtre et le poète souligne une union sacramentelle entre la Parole divine et la parole humaine, transformant le ministère sacerdotal en un service empreint d’écoute, de compassion, et de beauté.
Intégralité de la lettre du pape François