Suite à un signalement en 2023, Emmaüs France a mandaté un cabinet d’experts dont les conclusions de l’enquête ont été publiées en juillet 2024. Le rapport documente un total de « 7 personnes déclarant avoir subi des violences de la part de l’Abbé Pierre ». De plus, « au moins quatre autres personnes ont été identifiées comme ayant potentiellement subi des violences, bien qu’il ne soit pas encore possible de les interroger ».
Le journal La Croix rapporte que lors d’un entretien mené par le cabinet Egaé, une personne a admis avoir été témoin d’une scène dans les années 1950 ou 1960 où l’abbé Pierre aurait été impliqué dans une situation inappropriée avec une femme dans une barque. La personne a déclaré que « l’abbé Pierre lui aurait sauté dessus », ajoutant que « ça faisait partie du personnage, on essayait de limiter la casse ».
Les comportements de l’abbé Pierre étaient apparemment connus au sein d’Emmaüs. Une personne interrogée par le cabinet a affirmé que ce n’était pas un incident isolé. Plusieurs femmes auraient également rapporté ces faits au sein du mouvement.
Ce mercredi 17 juillet 2024 Emmaüs France communique :« Dans un communiqué commun, nos organisations saluent le courage des personnes qui ont témoigné et ainsi mis en lumière ces réalités. Nous croyons en leurs récits », ont déclaré les trois organisations.
L’Abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès, est décédé en 2007.
Malgré ces révélations, il est crucial de reconnaître que même si ces accusations sont troublantes, elles ne sauraient entacher la mémoire d’un homme de Dieu qui, dans sa propre humanité, comme tout individu, peut commettre des actes répréhensibles.
Communiqué d’Emmaüs
« Le Mouvement Emmaüs rend publics des faits qui peuvent s’apparenter à des agressions sexuelles ou du harcèlement sexuel, commis par l’abbé Pierre, entre la fin des années 1970 et 2005. Ces faits ont concerné des salariées, des volontaires et bénévoles de certaines de nos organisations membres, ou des jeunes femmes dans l’entourage personnel de l’abbé Pierre. Le Mouvement a mandaté un cabinet expert de la prévention des violences, le groupe Egaé, pour mener un travail d’écoute et d’analyse. Ce travail a permis de recueillir les témoignages de sept femmes. L’une d’entre elles était mineure au moment des premiers faits. D’après les informations recueillies, plusieurs autres femmes ont subi des faits comparables, mais n’ont pas pu être entendues. Un dispositif de recueil de témoignages et d’accompagnement, strictement confidentiel, s’adressant aux personnes ayant été victime ou témoin de comportements inacceptables de la part de l’abbé Pierre, a été mis en place.
Il y a un an, Emmaüs France a été destinataire d’un témoignage faisant état d’une agression sexuelle* commise par l’abbé Pierre sur une femme.
Une délégation du Mouvement Emmaüs a rencontré la victime et recueilli son témoignage.
À la suite de cette rencontre, un travail d’écoute a été lancé en interne par Emmaüs International, Emmaüs France et la Fondation Abbé Pierre pour établir si d’autres faits similaires avaient pu se produire. Mené par Caroline De Haas, du groupe Egaé, ce travail a permis de recueillir les témoignages de sept femmes qui font état de comportements pouvant s’apparenter à des agressions sexuelles ou des faits de harcèlement sexuel commis par l’abbé Pierre entre la fin des années 1970 et 2005. L’une d’entre elles était mineure (16-17 ans) au moment des premiers faits. Selon le groupe Egaé, il est raisonnable de penser qu’il y a d’autres personnes concernées, dans des proportions difficiles à estimer.
Nos organisations saluent le courage des personnes qui ont témoigné et permis, par leur parole, de mettre au jour ces réalités. Nous les croyons, nous savons que ces actes intolérables ont laissé des traces et nous nous tenons à leurs côtés.
Ces révélations bouleversent nos structures, au sein desquelles la figure de l’abbé Pierre occupe une place majeure. Chacun d’entre nous connaît son histoire et son message. Ces agissements changent profondément le regard que nous portons sur un homme connu avant tout pour son combat contre la pauvreté, la misère et l’exclusion.
À l’heure où l’urgence sociale et la nécessité de défendre les personnes les plus précaires se font ressentir avec une particulière acuité, les missions exercées au quotidien par l’ensemble des salariés, des compagnes, compagnons et bénévoles du Mouvement Emmaüs, demeurent indispensables. La solidarité, l’entraide et l’accueil inconditionnel des plus démunis constituent notre raison d’être.
Le Mouvement Emmaüs combat toutes formes de violences et entend dénoncer les actes inacceptables commis par une personne qui a joué un grand rôle dans son histoire. Nous le devons aux victimes. Nous le devons aussi à toutes celles et ceux qui, depuis plus de 70 ans, portent au quotidien les actions du Mouvement. Nous partageons leur peine et leur colère, mais également leur détermination à continuer d’œuvrer, chaque jour, pour construire un monde plus juste et plus solidaire.
Dès aujourd’hui, le Mouvement Emmaüs met en place un dispositif de recueil de témoignages, strictement confidentiel, s’adressant aux personnes ayant été victime ou témoin de comportements inacceptables de la part de l’abbé Pierre. Géré par le groupe Egaé, ce dispositif permettra aux personnes qui y auront recours d’être entendues, de manière anonyme si elles le souhaitent, orientées et accompagnées.
“Nous avons été bouleversés par le témoignage courageux des victimes. Si l’abbé Pierre a inspiré le mouvement Emmaüs à travers le monde, ce sont aujourd’hui les salariés, les bénévoles qui incarnent les valeurs de solidarité et d’entraide que nous défendons. La vocation d’Emmaüs pour venir en aide aux plus précaires, partout dans le monde, doit plus que jamais être aujourd’hui notre boussole.”
Patrick Atohoun, président d’Emmaüs International
“Nous saluons le courage des femmes qui, après tant d’années, ont trouvé la force de témoigner et le courage de dénoncer une icône. Militant contre toutes les formes de violences, notamment celles faites aux femmes, Emmaüs poursuit aujourd’hui son action auprès des personnes vulnérables et lutte contre toutes les formes de précarité.”
Bruno Morel, Président d’Emmaüs France
“Le choc a été immense pour nous. La priorité est de faire preuve d’une totale transparence et faire tout ce qui est en notre capacité pour aider et soutenir les personnes qui ont eu le courage de témoigner.
Je pense aussi aux personnes que nous aidons et accompagnons au quotidien, qui subissent la pauvreté, le mal-logement. Nous allons vivre une période mouvementée, mais je veux leur dire que nous allons poursuivre sans relâche notre combat auprès d’elles.”
Marie-Hélène Le Nédic, présidente de la Fondation Abbé Pierre »