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Pakistan : un chrétien est acquitté après 24 ans passés dans le couloir de la mort

Des islamistes jettent des chaussures sur des effigies chrétiennes - DR  A. Hassan
Des islamistes jettent des chaussures sur des effigies chrétiennes - DR A. Hassan
Le cas d’Anwar kenneth révèle la faillite morale et juridique d’un système où la foi peut valoir une condamnation à mort, et où la vérité met plus de vingt ans à triompher de la haine.

un catholique pakistanais, anwar kenneth, vient d’être acquitté après 24 années passées dans le couloir de la mort. accusé à tort de blasphème en 2001, il a été condamné à mort malgré des troubles mentaux reconnus. une libération qui survient alors que la loi sur le blasphème continue de semer la terreur, notamment contre les minorités chrétiennes.c’est un long calvaire judiciaire qui prend fin, mais sans garantie de sécurité. anwar kenneth, aujourd’hui âgé de 72 ans, a été acquitté le 25 juin 2025 par la cour suprême du pakistan. arrêté en 2001 pour avoir exprimé sa foi chrétienne dans des lettres interprétées comme offensantes, il avait été condamné à mort en juillet 2002, et son appel avait été rejeté en 2014 malgré des rapports médicaux attestant de sa maladie mentale.

Le jugement a été rendu par un collège de trois juges de la cour suprême, les juges athar minallah, shahzad ahmed khan et irfan saadat khan, qui ont déclaré qu’un individu atteint de troubles mentaux ne peut être tenu pénalement responsable. son avocat, rana abdul hameed, a salué cette décision attendue depuis plus de deux décennies. « c’est très malheureux qu’un homme âgé ait croupi pendant plus de vingt ans malgré sa condition mentale », a-t-il déclaré.

kenneth, ancien haut fonctionnaire du département de la pêche du pendjab, avait envoyé en 2001 des lettres à des autorités religieuses musulmanes, à l’onu et à des théologiens chrétiens, affirmant que le christianisme ne reconnaît pas mahomet comme prophète. il n’avait pas employé de langage insultant, mais cela n’a pas empêché sa condamnation sous l’article 295-c du code pénal pakistanais. il avait refusé toute assistance juridique, déclarant simplement : « dieu est mon défenseur. »

Son procès a été compliqué par son comportement : « bien que les médecins l’aient déclaré fou au moment des faits présumés, il continuait de se confesser et réclamait d’être pendu », a expliqué son avocat. des extrémistes religieux, en colère après l’annonce de l’acquittement, ont semé le chaos dans la salle d’audience. « l’acquittement de kenneth est un revers majeur pour eux » a ajouté hameed, qui a lui-même reçu des menaces de mort. deux à quatre policiers gardent désormais son bureau.

Le militant joseph janssen, de la jubilee campaign, a réagi : « cette décision, bien qu’elle arrive trop tard, est un espoir pour tous ceux emprisonnés à tort à cause de leur foi. » il a également déclaré à l’agence licas.news : « La Justice a enfin été rendue pour Anwar Kenneth, un chrétien pauvre qui a enduré presque toute une vie de souffrances inimaginables derrière les barreaux. C’est un signe d’espérance pour tous ceux qui sont emprisonnés injustement à cause de leur foi. »

La sœur aînée d’anwar kenneth, reshma bibi, aujourd’hui âgée de 83 ans, a déclaré : « mon frère était un érudit de la bible. il débattait souvent avec des amis musulmans, toujours dans le respect. l’une de ses lettres a été utilisée pour le réduire au silence. » L’affaire kenneth a bénéficié d’un soutien international croissant. des rapporteurs spéciaux des nations unies ont dénoncé à plusieurs reprises la législation pakistanaise sur le blasphème, jugée incompatible avec le droit international. en mars 2025, le député européen charlie weimers a évoqué le cas d’anwar kenneth devant le conseil des droits de l’homme de l’onu, dénonçant des lois devenues des « armes de terreur contre les minorités religieuses ».

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la commission européenne a également prévenu qu’un maintien de ces abus pourrait compromettre les avantages commerciaux accordés au pakistan dans le cadre du programme gsp+. Rappelons que le cas de kenneth n’est pas isolé. le 12 juin 2025, farhan masih, un autre chrétien souffrant de troubles mentaux, a été acquitté à sahiwal après une accusation de blasphème. les chiffres confirment une dérive inquiétante. en 2024, le centre for social justice a recensé 475 nouvelles affaires de blasphème, contre 11 en 2020. 70 % des accusés étaient musulmans, 6 % chrétiens, 9 % hindous et 14 % ahmadis. entre 1987 et 2024, 2 793 personnes ont été accusées de blasphème, et au moins 104 ont été assassinées par des foules sans procès.

Le 9 juin, human rights watch publiait un rapport accablant intitulé « une conspiration pour s’emparer des terres », documentant comment les lois sur le blasphème sont utilisées pour chasser les minorités religieuses et s’emparer de leurs biens. dans une société conservatrice où toute remise en question de l’islam peut déclencher des émeutes, même des rumeurs sur les réseaux sociaux suffisent à provoquer le chaos. en août 2023, à jaranwala, plusieurs églises et maisons chrétiennes ont été incendiées.

la jubilee campaign a appelé à une réforme urgente de ces lois qu’elle décrit comme violant la procédure régulière, sans garanties juridiques, et « utilisées comme arme contre les minorités religieuses et les personnes atteintes de troubles mentaux ».De son coté, Anwar kenneth devrait être libéré dans les prochains jours, mais sa sécurité reste en péril. dans un pays où les foules fanatisées se substituent à la justice, sa famille devra organiser sa protection. son avocat a rappelé que personne n’a été exécuté à ce jour pour blasphème, mais que de nombreux accusés ont été lynchés sans procès.

Le cas d’anwar kenneth révèle la faillite morale et juridique d’un système où la foi peut valoir une condamnation à mort, et où la vérité met plus de vingt ans à triompher de la haine.

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