Le souverain pontife n’a jamais été un patient facile, et cette nouvelle épreuve de santé ne fait pas exception. Depuis des semaines, le pape François souffrait de difficultés respiratoires, mais son tempérament l’a poussé à poursuivre son engagement sans relâche. « Les médecins sont précieux, mais il faut les tenir à bonne distance », disait-il déjà il y a quatre ans au médecin et journaliste argentin Nelson Castro. Une plaisanterie, certes, mais qui révèle une conviction bien ancrée.
Un refus obstiné de se ménager
L’histoire se répète. Dès le début de son pontificat, une anomalie avait été détectée à la radiographie thoracique du pape, mais il avait catégoriquement refusé une IRM avec produit de contraste, invoquant son allergie à l’iode. « Le radiologue restait stupéfait de mon refus catégorique et a demandé au médecin du Vatican : “Et maintenant, que faisons-nous ?” Celui-ci a répondu : “Avec le caractère que ce pape a, ne soyez pas surpris s’il se lève et s’en va. Pour l’instant, mieux vaut laisser tomber.” »
Un trait de caractère que François reconnaît lui-même avec un certain humour : « J’ai dû lui donner l’impression d’un mauvais caractère. » Pourtant, cette ténacité frôle parfois l’entêtement, notamment lorsqu’il s’agit de sa santé.
Depuis plusieurs semaines, il souffrait d’une bronchite persistante. Mercredi 5 février, lors de l’audience générale, il avait dû interrompre la lecture de son discours : « Je veux m’excuser parce qu’avec ce fort rhume, il m’est difficile de parler. Et c’est pourquoi j’ai demandé à mon frère de lire la catéchèse. Il la lira mieux que moi. »
Le lendemain, le Saint-Siège annonçait officiellement que, pour préserver sa santé, le pape tiendrait ses audiences de la semaine dans la résidence Sainte-Marthe. Un choix qui pouvait sembler raisonnable, mais qui ne signifiait en aucun cas qu’il se ménageait : une dizaine d’audiences par jour continuaient à s’y enchaîner.
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Une détermination risquée
Dimanche 9 février, malgré son état, François présidait la messe sur la place Saint-Pierre dans le cadre du Jubilé des Forces armées. Une messe en plein air, par temps venteux et froid. Une décision surprenante, voire imprudente. Mais comme toujours, François refuse de s’économiser. Lors de son homélie, il soulignait que « Jésus ne cherche pas à accomplir une tâche », mais « met toujours au premier plan la rencontre avec les autres ».
Pourtant, il était évident qu’il était épuisé. Son souffle court, son visage marqué par la fatigue, et un regard alourdi par les cernes. Quelques instants après le début de la lecture du texte, il marque une pause, regarde les pages restantes, soupire et avoue : « Et maintenant, je m’excuse un peu et je demande au maître de continuer la lecture, car j’ai des difficultés à respirer. »
Mais réduire ses engagements ? Impossible. À peine la messe terminée, une visite à Cinecittà était déjà en préparation, et le pape multipliait encore les rendez-vous pour l’Année jubilaire. À tel point qu’il exprimait même une certaine frustration d’être contraint de rester à Sainte-Marthe : « Je suis malade, j’ai une bronchite, j’habite ici et je ne peux pas sortir », confiait-il lors de sa rencontre avec le recteur de la grande mosquée de Paris.
L’hospitalisation, un ultime recours accepté à contrecœur
Dès lors, il est probable qu’un traitement antibiotique et à base de cortisone ait été mis en place, ce que son visage, visiblement gonflé, laissait présager. Mais ce n’est qu’après son hospitalisation que l’on a appris qu’une semaine auparavant, il avait discrètement effectué une visite éclair à l’hôpital Gemelli tout proche du Vatican, pour des examens médicaux.
Lors de l’audience générale du mercredi suivant, il était revenu en salle Paul VI, mais, une fois encore, il dut renoncer à lire lui-même : « Avec ma bronchite, je ne peux toujours pas, j’espère que la prochaine fois je pourrai. »
Depuis plusieurs années, François ne dispose plus d’un médecin personnel. Lorsqu’il en a besoin, il consulte des spécialistes. Mais cette fois, malgré l’insistance du corps médical, il refusait toujours l’hospitalisation. « La thérapie est inutile si ensuite il sort », s’inquiétaient les proches du pape à Sainte-Marthe.
Jusqu’au dernier moment, il résistait encore : « Ils veulent m’emmener à l’hôpital, mais je vais mieux et je préfère me soigner chez moi. » Ce n’est que le vendredi matin que son hospitalisation au Gemelli fut décidée. Mais, fidèle à lui-même, François a tenu à achever ses audiences prévues avant de s’y rendre.
Si le Christ a appelé ses disciples à se donner totalement aux autres, il a aussi enseigné que le corps est le temple du Saint-Esprit, qu’il faut respecter et préserver. Dans cette lutte intérieure entre humilité et obstination, entre service et prudence, le pape François affiche sa volonté de poursuivre sa mission…
Avec il Corriere della Sera