Après plusieurs jours d’échanges avec des prélats de toutes sensibilités à Rome, un constat s’impose : sous couvert d’anonymat, de nombreux membres de la Curie convergent vers un même sentiment de lassitude. « Le pape François est imprévisible, il n’en fait qu’à sa tête… La Curie est fatiguée, mais le pape, lui, va très bien », nous confie un haut responsable ecclésiastique. Une remarque qui en dit long sur l’état de tension qui règne au Vatican.
Les dernières sorties du Souverain Pontife n’ont fait que renforcer cette impression d’incohérence. Son livre Spera en est l’illustration parfaite : alors qu’il répète sans cesse vouloir une Église ouverte et miséricordieuse, il n’hésite pas à lancer des piques cinglantes aux catholiques attachés à la tradition. « On préfère des idéologies rigides à la simplicité de l’Évangile », y affirme-t-il. Un message peu subtil destiné aux fidèles du rite tridentin, une fois de plus réduits à de simples obstacles sur la route de la « réforme ».
Mais ce n’est pas le seul point de crispation. Le Synode sur la synodalité, organisé en octobre dernier, a rassemblé davantage de laïcs que d’évêques de référence. Certains cardinaux influents ont d’ailleurs bruyamment fait défection, préférant rester en retrait face à une assemblée où le poids de la hiérarchie ecclésiastique semblait volontairement dilué. La Conférence épiscopale africaine, quant à elle, a clairement exprimé son opposition à une Église trop influencée par des aspirations occidentales, notamment sur les questions de morale sexuelle et d' »inclusion » des minorités LGBT.
D’ailleurs, sur ce point, le Pape semble adopter une posture paradoxale. D’un côté, il se présente en fervent défenseur de la famille, rappelant les principes de la doctrine catholique sur le mariage et la parentalité. De l’autre, il encourage des évolutions qui, sous couvert d’accueillir les personnes homosexuelles, finissent par remettre en question l’enseignement bimillénaire de l’Église sur ces sujets. Il ouvre ainsi des brèches dont certains se précipitent pour tenter de faire sauter toute résistance doctrinale.
Cet amour pour la contradiction semble d’ailleurs être une caractéristique de son pontificat. Il s’oppose volontiers aux structures « établies », préférant mettre en avant les blessés et les exclus des périphéries, qu’il veut élever en modèles. Une attitude qui, dans l’absolu, s’inscrit dans la tradition évangélique… si elle ne s’accompagnait pas d’une exclusion radicale de certains fidèles qui, eux aussi, font partie du Peuple de Dieu. Les catholiques attachés à la tradition, pourtant fidèles et engagés, subissent ainsi un traitement dédaigneux, voire humiliant. Ils ne trouvent ni place ni bienveillance dans une Église qui prétend accueillir tout le monde.
Alors que restera-t-il de ce pontificat ? Pour l’heure, un Vatican plus divisé que jamais, une Curie épuisée par des revirements incessants, et une communauté de fidèles qui peine à suivre une ligne de conduite claire. L’Église se dirige-t-elle vers une cacophonie institutionnelle ? Une chose est certaine : l’imprévisibilité du Pape François rend l’avenir plus incertain que jamais.