En cette période de synode où le rôle des femmes dans l’Eglise est pour certains et certaines un nouvel enjeu idéologique , l’on est amené à réfléchir entre l’égalité homme/femme sur certaines fonctions à responsabilité, et l’égalitarisme féminin revendiqué comme un concept de modernité incontournable jusque dans la fonction sacerdotale.
Au regard de l’histoire de la place de la femme dans l’Eglise et de son lien avec le sacré , on remarque qu’il a toujours existé une différence notoire voulue et assumée entre l’homme et la femme ; au cours des siècles cette différence s’est parfois manifestée comme une « mise à l’écart » du Sacré.
On ressent aujourd’hui comme un effet boomerang prônant une position absolument « égalitaire » jusque dans le sacerdoce et ce en complète contradiction avec la Doctrine de l’Eglise.
La Genèse nous rappelle que :
« La différence sexuelle trouve sa source dans une même nature humaine. Homme et femme, nous sommes différents mais égaux en dignité (cf. Genése1, 26-27).
Cette différence fait toute la différence…la dignité d’une femme, égale à celle de l’homme, ne fait pas d’elle son « clone » dans la fonction sacerdotale.
Rappelons que Saint Jean Paul II dans sa lettre apostolique « Ordinatio sacerdotalis », indiquait clairement que, pour l’Eglise catholique, l’ordination sacerdotale était et restait « exclusivement réservée à des hommes »… »L’ordination sacerdotale, par laquelle est transmise la charge, confiée par le Christ à ses apôtres, d’enseigner, de sanctifier et de gouverner les fidèles, a toujours été, dans l’Eglise catholique depuis l’origine, exclusivement réservée à des hommes. Les Eglises d’Orient ont, elles aussi, fidèlement conservé cette tradition. » ( 22 mai 1994)
Par ailleurs le Saint Père évoquait également toute l’importance d’une présence féminine sur certaines approches sociétales :
« Les femmes seront toujours plus impliquées dans les graves problèmes actuellement débattus : temps libre, qualité de la vie, migrations, services sociaux, euthanasie, santé et soins, écologie…
Dans tous ces domaines, une plus forte présence de la femme s’avérera précieuse, car elle contribuera à manifester les contradictions d’une société organisée sur les seuls critères de l’efficacité et de la productivité, et elle obligera à redéfinir les systèmes, au bénéfice des processus d’humanisation qui caractérise la civilisation de l’amour ». (Jean-Paul II, Lettre aux femmes, 1995)
Nous vous proposons l’extrait d’un document universitaire de Marie-Madeleine de Cevins -(université de Rennes II ) retraçant l’évolution de la place de la femme face au Sacré dans l’histoire de l’Eglise.
Il serait hâtif de bâtir une » idéologie de la revanche » au vue de certaines erreurs passées….car les hommes se trompent mais la Sainte Doctrine, expression cognitive de La Parole est immuable, non soumise aux caprices des modes et des réinterprétations partisanes…
Voici le texte :
« Des restrictions applicables uniquement aux femmes limitaient temporairement ou durablement leur accès aux sanctuaires et aux sacrements qui y étaient administrés. Elles ne pouvaient recevoir la communion et entrer dans une église en période de menstruations, pendant la grossesse et lorsqu’elles venaient d’accoucher.
Ces interdits physiologiques liés aux éternels tabous sur le corps féminin avaient déjà suscité les réserves de Grégoire le Grand. Faute d’un démenti formel, ils continuèrent d’être prescrits par les statuts synodaux et les textes canoniques jusqu’à la fin du Moyen Âge – plus mollement qu’au XIIe siècle il est vrai, en laissant la décision aux intéressées et en ne les vouant plus aux gémonies si elles violaient l’usage dominant.
Les prédicateurs mendiants des XIIIe-XVe siècles soulignent l’ineptie de ces restrictions, aussi bien à propos des femmes enceintes ou venant d’accoucher (dans le cadre de la promotion de la maternité et en opposition au rituel des relevailles) que de celles qui avaient leurs règles, présentées comme un phénomène naturel donc voulu par Dieu. Mais, signe d’un malaise persistant, ils faisaient l’éloge de celles qui s’abstenaient malgré tout des choses saintes.
En dehors de ces périodes spécifiques, l’entrée de sanctuaires pourvus de reliques faisant l’objet d’une grande vénération populaire était parfois prohibée pour les femmes, sous peine de châtiments abominables que rapportent les récits hagiographiques des XIe-XIIe siècles. L’indignation précoce de Robert d’Arbrissel n’empêcha pas ces pratiques entachées de superstition de survivre jusqu’au XIIIe siècle au moins.
Les femmes étaient tenues à distance des parties les plus saintes des édifices consacrés, en tant que laïques mais aussi en tant que femmes. Une discrimination sexuelle s’ajouta, dans la topographie des bâtiments cultuels, à la séparation entre clercs (dans le chœur, fermé par un chancel) et laïcs (dans la nef) remontant à l’époque carolingienne.
Suspectées d’« infecter » les lieux saints par leur impureté et leurs vices (Guillaume Peyraut † 1271), les femmes ne devaient pas pénétrer dans le chœur ni s’approcher du périmètre protégeant l’autel. Cet éloignement imposé dès le IXe siècle – à l’heure de l’affirmation doctrinale de la présence réelle du Christ – se codifia progressivement jusqu’au XIIe siècle.
Les canonistes approuvèrent alors l’usage, justifié par la tradition juive (sans quoi Marie et Joseph n’auraient pas perdu Jésus au Temple), qui voulait qu’hommes et femmes fussent séparés : les femmes se tenaient en principe sur le côté nord (à gauche en entrant dans l’église, le côté droit étant réservé aux fidèles masculins), ou bien au fond, derrière les hommes, et tête voilée (conformément aux prescriptions pauliniennes). On ne pouvait mieux matérialiser leur minorité religieuse.
Autre restriction appelée à durer : tout contact physique avec les objets consacrés était défendu pour les femmes, sur la base de décisions conciliaires mérovingiennes et carolingiennes dont le Décret de Gratien opère la synthèse sans grand changement. Il leur interdit formellement de toucher ce qui a été consacré, vêtements et vaisselle liturgiques, encens – sans faire d’exception pour les moniales. Les statuts synodaux leur défendaient encore de nettoyer calices et chasubles au début du XVIe siècle.
Pour la même raison, elles ne pouvaient apporter la communion aux malades. Ces mesures ne suscitaient plus guère de débats à la fin du Moyen Âge. Résignées, les femmes pieuses trouvèrent sans nul doute dans la consommation eucharistique, centrale dans la mystique féminine des XIIIe-XVe siècles, une forme de compensation de cette mise à distance.
La fermeture de l’accès au ministère sacré, défini comme un « office pour les hommes » (officium virorum, selon la formule d’Huguccio, à la fin du XIIe siècle), était inscrite dans les lois de l’Église depuis les injonctions pontificales et conciliaires des Ve-VIe siècles. Le sujet alimenta encore des polémiques au haut Moyen Âge.
On n’ignorait pas le rôle de quelques femmes dans les évangiles apocryphes (Marie de Magdala admise parmi les Douze et prêchant la Bonne Nouvelle dans l’Évangile selon Marie, Thècle se baptisant elle-même dans les Actes de Paul).
Les auxiliaires féminins, diaconesses (diaconae) ou veuves consacrées, qui délivraient des sacrements soulevèrent l’indignation des évêques francs en 511 ; en conséquence de quoi les pères du concile d’Orléans (533) stipulèrent qu’aucune femme ne pourrait exercer une quelconque fonction ecclésiastique.
Les clarifications carolingienne puis grégorienne achevèrent de constituer un argumentaire imparable, qui ne subit guère de changements jusqu’à la fin du Moyen Âge. En sus d’outils rhétoriques (l’évêque étant l’époux de l’Église, comme le curé est l’époux de sa paroisse, ce ne peut être une femme) ou tautologiques (on ne peut administrer la tonsure à une femme puisqu’elle est voilée, les femmes ne peuvent toucher aucun objet sacré, a fortiori pas d’hostie consacrée), il puisait à la fois aux Écritures, à la tradition (patristique et historique) et dans la sagesse antique.
En voici les pièces : les prophétesses de l’Ancien Testament, comme les martyres des premiers siècles n’avaient pas le sacerdoce ; le Christ, modèle de tout prêtre, était un homme et il ne recruta pas d’apôtre féminin (si l’on s’en tient aux Évangiles canoniques), ne confiant aucune responsabilité à sa mère (précise Jean Duns Scot) ; Dieu ayant infligé à Ève la domination masculine après la Faute, les femmes ne sauraient exercer une dignité qui les placerait au-dessus des hommes (selon Tertullien, imité par une longue série d’auteurs chrétiens) ; Aristote, comme l’apôtre Paul, leur interdisait déjà de prendre la parole en public, donc de prêcher.
Ce dernier argument, absent des textes carolingiens et grégoriens, fut brusquement développé par les théologiens et canonistes des XIIe-XIIIe siècles, en réaction à des initiatives féminines bien réelles, parfois orthodoxes (moniales, béguines, mystiques) mais aussi déviantes (prédicatrices vaudoises, « parfaites » albigeoises).
« La femme, même si elle est docte et sainte, ne doit pas prétendre enseigner les hommes en assemblée », prescrit Gratien ; encore moins sur des articles de foi (Thomas d’Aquin*, Gilbert de Tournai † 1284), ce qui s’ajoutait à l’interdiction faite aux laïcs de prêcher. La vogue des prophétesses et visionnaires commencée au XIIe siècle contraignit néanmoins les clercs à admettre que certaines femmes avaient encore, comme aux temps bibliques, le don de prophétie et pouvaient donc être traversées par la parole divine sans médiation cléricale.
Mais c’est à eux qu’il revenait d’établir qu’il s’agissait bien de prophétie, et non d’hérésie ou d’inspiration diabolique.
Ces cadres évoluèrent peu aux XIIe-XVe siècles. Hors des milieux hérétiques, les femmes ne semblent pas contester l’exclusivité masculine du sacerdoce. Les diaconesses encore mentionnées dans l’espace germanique s’apparentaient à des abbesses ou à des prieures dès les VIIe-IXe siècles et n’avaient donc aucune part à la liturgie.
Les supérieures n’entendaient plus les sœurs en confession et ne présidaient plus de cérémonies après le XIIe siècle ; tout juste leur reconnaissait-on un droit de correction sur les religieuses de leur établissement. Aucune femme ne semble s’être risquée à se travestir pour entrer en cléricature, à l’exemple de la papesse Jeanne dont l’histoire circulait depuis la fin du XIIIe siècle, de peur d’encourir le même châtiment qu’elle. Les mystiques et prophétesses de la fin du Moyen Âge regrettaient seulement, telle Catherine de Gênes († 1510), de ne pas être nées mâles pour pouvoir célébrer l’eucharistie.
Elles parvinrent cependant à repousser insidieusement les limites anciennes en matière de prédication. D’abord confidentielles, leurs visions et révélations, même filtrées par leur confesseur, sortirent de la sphère intime et acquirent une diffusion publique. Après Hildegarde de Bingen, à qui Dieu avait ordonné de haranguer les foules et de rappeler à leurs devoirs princes et prélats, de simples mères de famille prirent la parole ou la plume. Margery Kempe* raconte ainsi, à côté de ses dialogues avec le Christ, les prédications publiques auxquelles elle se livra après sa conversio en 1413. Catherine de Sienne* était qualifiée de « prédicatrice » par ses contemporains.
Sa sainte patronne, Catherine d’Alexandrie, dont le culte répandu en Occident depuis les croisades était très vivace à la fin du Moyen Âge, est souvent représentée instruisant un auditoire masculin manifestement inférieur à elle sur le plan du savoir. Une fresque du milieu du XVe siècle montre Marie Madeleine prêchant devant la population de Marseille. C’était reconnaître que les femmes pouvaient avoir une influence bénéfique sur la vie de l’Église.
À partir du XIIIe siècle, des clercs, mendiants surtout, défendent l’idée – reprise à l’âge baroque – selon laquelle la femme a des aptitudes remarquables sur le plan religieux. Sa faiblesse, son humilité et sa docilité « naturelles » la rendent plus réceptive à Dieu que l’homme, « dur et gauche en cela », écrit le Frère mineur Lambert de Ratisbonne vers 1250.
Le Dominicain Jean Tauler († 1361), fasciné par les mystiques dont il était le confesseur, loue le courage de ces « âmes énergiques qui se donnent tout à Dieu ». Guillaume d’Ockham* vante les mérites des « femmes catholiques et fidèles » ayant pris exemple sur les « nombreuses saintes » martyres. Prédicateurs, confesseurs et réformateurs autorisaient des femmes de toutes conditions à se dégager de leurs obligations sociales (notamment matrimoniales) pour consacrer leur existence à Dieu.
Si cette revalorisation reste minoritaire au sein du clergé, mendiants inclus, elle trouve confirmation dans la multiplication des canonisations féminines après le milieu du XIIIe siècle, notamment au XIVe siècle et au début du siècle suivant (une dizaine de procès et quatre canonisations effectives selon André Vauchez). Les temps avaient donc bien changé depuis la fin du XIIe siècle où l’on avait refusé à Hildegarde de Bingen, aristocrate, abbesse, prophétesse et mystique une promotion que tout justifiait. Parmi ces saintes reconnues, Brigitte de Suède*, Catherine de Sienne* et quelques autres éclipsaient les clercs de leur temps par leurs dons.
Tancer le pape ou les princes comme elles le faisaient (à l’égal d’Hildegarde de Bingen), n’était-ce pas participer à la direction de l’Église, réservée par principe aux membres du clergé ?
Certes, ces femmes engagées ne furent réellement écoutées qu’au pic de la crise ecclésiale, entre 1370 et 1450 : la perte des repères institutionnels pendant le Grand Schisme et l’anarchie conciliaire en faisaient les dépositaires providentielles de la parole divine – non sans hésitations, si l’on pense à la condamnation de Jeanne d’Arc en 1431. Loin de ces figures hors du commun, le rôle des femmes ordinaires se limitait à la sphère privée.
Elles intervenaient auprès de leur mari pour réussir là où les pasteurs échouaient. Le procédé, connu des confesseurs de princesses et d’aristocrates au XIIe siècle, fut exploité à grande échelle par les prédicateurs et les prêtres de paroisse à partir du siècle suivant. C’est alors qu’ils firent de leurs ouailles féminines le « pivot » de leur « stratégie pastorale » (C. Casagrande).
En parallèle, l’importance des mères dans la transmission de la foi fut soulignée, tant dans les milieux hussites qu’orthodoxes, comme l’indiquent les représentations de la Vierge Enseignante ou, en amont, de sainte Anne instruisant la Vierge.
Le positionnement idéologique de l’Église à propos des femmes apparaît comme ambivalent entre la fin du XIIe et le milieu du XVe siècle. Il révèle des tensions et interactions permanentes entre une culture cléricale elle-même hétérogène (antique, scripturaire, patristique et fondée sur la tradition) mais hiératique dès le XIIe siècle, des tabous et une pratique sociale tenaces, et le rôle plus ou moins transgressif d’une poignée de femmes exceptionnelles.
Dans l’ensemble, l’Église semble avoir conservé pendant ces trois siècles un regard dépréciatif sur les femmes et elle les maintint à bonne distance des responsabilités religieuses et des saints mystères.
Elle se préoccupa néanmoins de leur salut en leur proposant un modèle de perfection chrétienne fondé sur l’obéissance, la chasteté et la charité. Surtout, fait inimaginable à l’époque grégorienne comme après le resserrement tridentin, elle admit qu’elles pouvaient parfois éclairer de leurs lumières des cadres défaillants. Mais elle ne pouvait envisager de leur reconnaître d’autre fonction que privée et subalterne. Elle s’inscrivait en cela dans une réalité sociale autant que religieuse. »