La Consécration de la France à la Vierge Marie, également connue sous le nom de Vœu de Louis XIII, représente un témoignage emblématique d’une relation intime entre la royauté française et la dévotion mariale au cours du XVIIe siècle. Les annales historiques de cette époque reflètent la profonde ferveur religieuse qui a marqué cette période.
Entre 1632 et 1638, le roi Louis XIII de France engage une série de promesses et de gestes pieux envers la Vierge Marie. Cependant, c’est en 1638, en réponse à la grossesse d’Anne d’Autriche, épouse de Louis XIII, que le vœu prend sa forme solennelle. Le roi perçoit la grossesse de la reine comme une grâce divine en réponse à leurs prières communes, renforçant ainsi son dévouement à la Vierge.
La genèse de cette consécration remonte toutefois à des événements plus anciens et critiques. Durant la guerre de Trente Ans (1618-1648), la France se trouve dans une position précaire. L’assaut des ennemis menace les frontières nord et sud du royaume. Le dévoué cardinal Richelieu, non seulement un homme d’État habile, mais aussi un homme de foi profonde, suggère au roi de faire un vœu à la Vierge pour garantir la victoire. Guidé par sa foi, le cardinal orchestre des prières ferventes dans les couvents parisiens et promeut la récitation du Rosaire dans l’armée, chaque samedi.
Le destin pivote le 11 novembre 1636, jour de la Saint-Martin, une date désormais légendaire. Une victoire apparemment miraculeuse se profile, renversant le cours des événements. Richelieu, ému par ce revirement, exclame : “En vérité c’est un coup de Dieu !”. Une victoire célébrée en ce jour de l’apôtre de la Gaule et de l’Europe, Saint Martin.
Saisissant cette opportunité, le cardinal invite Louis XIII à exprimer sa gratitude céleste. Richelieu, doté d’une profonde dévotion mariale, appose les drapeaux ennemis aux pieds de Notre-Dame de Paris à chaque succès. Mais il ressent que davantage doit être accompli. Le 10 février 1638, le roi, ému par le rôle de la Vierge dans la protection de la France, proclame solennellement Marie comme la protectrice du royaume. Il consacre non seulement sa propre personne, mais aussi la couronne et tous ses sujets à la vigilance et à la guidance de Marie, dans leur quête de Dieu.
Cette consécration ne reste pas cantonnée à une simple proclamation. Louis XIII, fidèle à son serment, ordonne que les bienfaits de la Vierge soient célébrés chaque 15 août, jour de Marie, par des prières et des processions dans les villes majeures du royaume. Cette tradition, amorcée par le roi, a perduré au fil des siècles, transcendant même les évolutions politiques et sociales. Ainsi, le 15 août, qui commémore l’Assomption de Marie, s’est inscrit comme une fête incontournable à travers toute la France, unissant les citoyens dans leur vénération commune envers la Sainte Vierge.
Notre-Dame de Paris : sculpture du Vœu de Louis XIII – Maitre autel La Pietà –
Déclaration du Roi qui prend la Bienheureuse Vierge pour protectrice de ses Etats
“Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut.
« Dieu, qui élève les rois au trône de leur grandeur, non content de nous avoir donné l’esprit qu’il départ à tous les princes de la terre pour la conduite de leurs peuples, a voulu prendre un soin si spécial et de notre personne et de notre État, que nous ne pouvons considérer le bonheur du cours de notre règne sans y voir autant d’effets merveilleux de sa bonté que d’accidents qui pouvaient nous perdre.
« Lorsque nous sommes entré au gouvernement de cette couronne, la faiblesse de notre âge donna sujet à quelques mauvais esprits d’en troubler la tranquillité ; mais cette main divine soutint avec tant de force la justice de notre cause que l’on vit en même temps la naissance et la fin de ces pernicieux desseins.
En divers autres temps, l’artifice des hommes et la malice du démon ayant suscité et fomenté des divisions non moins dangereuses pour notre couronne que préjudiciables à notre maison, il lui a plu en détourner le mal avec autant de douceur que de justice.
« La rébellion de l’hérésie ayant aussi formé un parti dans l’État, qui n’avait d’autre but que de partager notre autorité, il s’est servi de nous pour en abattre l’orgueil, et a permis que nous ayons relevé ses saints autels, en tous les lieux où la violence de cet injuste parti en avait ôté les marques.
« Quand nous avons entrepris la protection de nos alliés, il a donné des succès si heureux à nos armes qu’à la vue de toute l’Europe, contre l’espérance de tout le monde, nous les avons rétablis en la possession de leurs États dont ils avaient été dépouillés.
« Si les plus grandes forces des ennemis de cette couronne se sont ralliées pour conspirer sa ruine, il a confondu leurs ambitieux desseins, pour faire voir à toutes les nations que, comme sa Providence a fondé cet État, sa bonté le conserve, et sa puissance le défend”.
Détail de la statue de Louis XIII – Notre Dame de Paris
Le vœu de Louis XIII : action de grâces, consécration et supplique à la Sainte Vierge pour nous inspirer une sainte conduite
« Tant de grâces si évidentes font que pour n’en différer pas la reconnaissance, sans attendre la paix, qui nous viendra de la même main dont nous les avons reçues, et que nous désirons avec ardeur pour en faire sentir les fruits aux peuples qui nous sont commis, nous avons cru être obligés, nous prosternant aux pieds de sa majesté divine que nous adorons en trois personnes, à ceux de la Sainte Vierge et de la sacrée croix, où nous vénérons l’accomplissement des mystères de notre Rédemption par la vie et la mort du Fils de Dieu en notre chair, de « nous consacrer à la grandeur de Dieu »
par son Fils rabaissé jusqu’à nous et à ce Fils par sa mère élevée jusqu’à lui ; en la protection de laquelle nous mettons particulièrement notre personne, notre État, notre couronne et tous nos sujets pour obtenir par ce moyen celle de la Sainte Trinité, par son intercession et de toute la cour céleste par son autorité et exemple, nos mains n’étant pas assez pures pour présenter nos offrandes à la pureté même, nous croyons que celles qui ont été dignes de le porter, les rendront hosties agréables, et c’est chose bien raisonnable qu’ayant été médiatrice de ces bienfaits, elle le soit de nos actions de grâces.
« À ces causes, nous avons déclaré et déclarons que, prenant la très sainte et très glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de notre royaume, nous lui consacrons particulièrement notre personne, notre État, notre couronne et nos sujets, la suppliant de nous vouloir inspirer une sainte conduite et défendre avec tant de soin ce royaume contre l’effort de tous ses ennemis, que, soit qu’il souffre le fléau de la guerre, ou jouisse de la douceur de la paix que nous demandons à Dieu de tout notre cœur, il ne sorte point des voies de la grâce qui conduisent à celles de la gloire.
Et afin que la postérité ne puisse manquer à suivre nos volontés à ce sujet, pour monument et marque immortelle de la consécration présente que nous faisons, nous ferons construire de nouveau le grand autel de l’église cathédrale de Paris, avec une image de la Vierge qui tienne entre ses bras celle de son précieux Fils descendu de la croix ; nous serons représentés aux pieds du Fils et de la Mère, comme leur offrant notre couronne et notre sceptre”.
Pour que la France soit à couvert de toutes les entreprises de ses ennemis, une exhortation nationale à avoir une dévotion toute particulière à la Vierge
« Nous admonestons le sieur Archevêque de Paris, et néanmoins lui enjoignons, que tous les ans, le jour et fête de l’Assomption, il fasse faire commémoration de notre présente déclaration à la grand’messe qui se dira en son Église cathédrale, et qu’après les Vêpres dudit jour, il soit fait une procession en ladite église, à laquelle assisteront toutes les compagnies souveraines, et le corps de la ville, avec pareille cérémonie que celle qui s’observe aux processions générales plus solennelles. Ce que nous voulons aussi être fait en toutes les églises tant paroissiales, que celles des monastères de ladite ville et faubourgs ; et en toutes les villes, bourgs et villages dudit diocèse de Paris.
« Exhortons pareillement tous les Archevêques et Évêques de notre royaume, et néanmoins leur enjoignons de faire célébrer la même solennité en leurs églises épiscopales, et autres églises de leurs diocèses ; entendant qu’à ladite cérémonie les Cours de Parlement, et autres compagnies souveraines, et les principaux officiers des villes y soient présents.
Et d’autant qu’il y a plusieurs églises épiscopales qui ne sont point dédiées à la Vierge, nous exhortons lesdits archevêques et évêques en ce cas, de lui dédier la principale chapelle desdites églises, pour y être faite ladite cérémonie ; et d’y élever un autel avec un ornement convenable à une action si célèbre, et d’admonester tous nos peuples d’avoir une dévotion toute particulière à la Vierge, d’implorer en ce jour sa protection, afin que, sous une si puissante patronne, notre royaume soit à couvert de toutes les entreprises de ses ennemis, qu’il jouisse longuement d’une bonne paix ; que Dieu y soit servi et révéré si saintement que nous et nos sujets puissions arriver heureusement à la dernière fin pour laquelle nous avons tous été créés ; car tel est notre bon plaisir.
« Donné à Saint-Germain-en-Laye, le dixième jour de février, l’an de grâce mil-six-cent-trente-huit, et de notre règne le vingt-huitième.
Louis”.