Le 26 octobre dernier, le Rêve Géorgien, a été reconduit pour un nouveau mandat lors des élections législatives en Géorgie qui ont vu la victoire du parti au pouvoir dirigé par Bidzina Ivanichvili. Selon les résultats officiels, le parti a obtenu 54,08 % des voix, tandis que la coalition d’opposition pro-européenne a recueilli 37,58 %.Cette victoire électorale marque une consolidation de son pouvoir, mais elle soulève aussi de nombreuses questions, notamment concernant la proposition du parti de faire du christianisme orthodoxe la religion d’État, un sujet qui a pris une place importante dans la campagne électorale.
En Géorgie, l’Église orthodoxe joue un rôle fondamental dans la vie publique, et plus de 80 % de la population se déclare chrétienne orthodoxe. Le parti Le Rêve Géorgien, qui a su mobiliser cette base électorale en mettant en avant sa volonté de renforcer le rôle de l’orthodoxie dans la constitution géorgienne, a remporté les élections législatives de façon décisive. La proposition de déclarer l’orthodoxie comme religion d’État visait à consolider ce soutien, en mettant en avant les liens historiques et culturels qui unissent la Géorgie à l’Église.
Cependant, cette démarche a également provoqué des réserves au sein de l’Église elle-même. Si le Patriarcat géorgien reconnaît l’importance de l’Église dans l’histoire du pays, il a exprimé des préoccupations concernant l’indépendance de l’institution religieuse vis-à-vis de l’État. Le représentant officiel du Patriarcat, Giorgi Zviadadze, a souligné que cette proposition pourrait entraîner une « subordination mutuelle » entre l’Église et l’État, ce qui n’est pas acceptable pour l’Église géorgienne.
Demande d’annulation des élections
Dans un entretien accordé à l’AFP le 30 novembre 2024, Mme Zourabichvili a affirmé : « Tant qu’il n’y aura pas de nouvelles élections et un Parlement qui élira un nouveau président selon de nouvelles règles, mon mandat se poursuivra ». Le gouvernement a mis en place un « conseil national » composé de partis d’opposition et de représentants de la société civile, visant à assurer « la stabilité dans ce pays ». Mme Zourabichvili a déclaré : « Je serai la représentante de cette transition légitime et stable ».
Des manifestations massives ont eu lieu à Tbilissi, la capitale, pour protester contre les résultats électoraux et soutenir les efforts de la présidente pour organiser de nouvelles élections. Des affrontements ont éclaté entre la police et les manifestants, entraînant l’arrestation de dizaines de personnes.
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La nouvelle cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a jugé « inacceptable » la violence utilisée contre les manifestants pacifiques, affirmant que « le recours à la violence contre des manifestants pacifiques n’est pas acceptable » et appelant le gouvernement géorgien à respecter la volonté de son peuple.
Face à ces tensions, la présidente Zourabichvili a demandé à la Cour constitutionnelle d’annuler les résultats des élections législatives du 26 octobre, invoquant des « violations généralisées du caractère universel du vote et du secret du scrutin ».
Une réévaluation du rôle de l’Église
En Géorgie le christianisme remonte au IVe siècle, lorsque la reine Nina de Géorgie, selon la tradition, convertit le roi Mirian III et son royaume au christianisme vers 337. La Géorgie devient ainsi l’un des premiers royaumes à adopter le christianisme comme religion d’État. L’Église orthodoxe géorgienne s’est ensuite développée indépendamment, se séparant du patriarcat de Constantinople au cours des siècles, et est devenue un pilier central de l’identité nationale.
Au fil des siècles, malgré les invasions et les pressions étrangères, le christianisme a joué un rôle clé dans la préservation de la culture et de l’autonomie géorgiennes.
Des tensions ont donc émergées sur la manière dont le parti entend gérer sa relation avec l’Église qui craint une ingérence de l’État dans ses affaires internes, un compromis a donc été trouvé. Plutôt que de déclarer l’orthodoxie comme religion d’État, la nouvelle version de la constitution affirme que « le christianisme orthodoxe est le pilier de l’identité de l’État géorgien ».
La reconduction du Rêve Géorgien au pouvoir s’inscrirait dans une stratégie politique plus large, qui inclut une utilisation marquée de la religion comme levier pour renforcer l’autorité du gouvernement. Le parti a régulièrement souligné son rôle de protecteur des valeurs chrétiennes orthodoxes, se présentant comme le garant de l’identité religieuse du pays. Cette ligne politique a été particulièrement visible lors de la campagne électorale, où l’accent a été mis sur ses engagements à défendre les traditions chrétiennes face à la modernité et aux influences extérieures.
Selon certains observateurs, l’accroissement de l’autorité de l’État dans les affaires religieuses pourrait, marquer un pas supplémentaire vers l’autoritarisme, d’autant plus que le Rêve Géorgien a récemment adopté des lois considérées comme restrictives, telles que la loi sur les agents étrangers et des propositions de législation limitant les droits des minorités.
De son coté, la communauté internationale suit de près l’évolution de la situation, soulignant l’importance de respecter les principes démocratiques et les droits de l’homme.