Le cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques pendant les deux derniers pontificats, a été condamné par la justice civile française pour son implication dans l’expulsion de sœur Marie Ferréol (de son nom civil Sabine Baudin de la Valette) des Dominicaines du Saint-Esprit.
Aux côtés de l’ancien chef du dicastère, remplacé en janvier 2023 par l’Américain Robert Francis Prevost à la tête de la « fabrique des évêques », dom Jean-Charles Nault et mère Maylis Desjobert, les visiteurs apostoliques ayant mené l’enquête qui a conduit à l’expulsion de la religieuse de l’institut de Pontcallec le 21 octobre 2020 pour « mauvais esprit », ont également été reconnus coupables.
Le tribunal civil de Lorient a également condamné l’association des Dominicaines du Saint-Esprit : un jugement sévère reprochant à la communauté de ne pas avoir respecté la procédure de licenciement, reconnaissant – comme l’a fait savoir l’avocate Adeline Le Gouvello De La Porte, qui a assisté la religieuse – que cela s’est produit « sans préavis, sans possibilité de connaître la décision proposée, sans informations sur les faits précis et datés dont elle était accusée, sans possibilité de se défendre ».
Sœur Ferréol aurait ainsi subi une injustice non seulement par son expulsion après 34 ans passés chez les dominicaines, mais aussi pour le traitement après sa démission de la vie religieuse, n’ayant reçu aucune assistance : aucune offre d’emploi ne lui aurait été proposée, il ne lui aurait pas été permis « de bénéficier, dans l’esprit d’équité et de charité établi par le droit canonique, de conditions de vie civile décentes, après 34 ans de vie religieuse et de service à sa communauté ».
Selon le tribunal civil de Lorient, la religieuse aurait été expulsée « sans motif » sur la base d’une visite apostolique dont le cardinal Marc Ouellet était responsable, menée par dom Jean-Charles Nault et sœur Emmanuelle Desjobert.
Une visite apostolique qui a valu aux trois religieux une condamnation sévère de la part de la justice civile française. L’ancien préfet du Dicastère pour les évêques a été accusé d’abus de droit et de partialité : selon le tribunal, « en droit canonique comme en droit civil, quiconque prétend être délégué doit prouver qu’il l’est ». Lors du procès, initié par une action en justice intentée par l’ancienne religieuse, il n’a pas été possible d’établir l’existence d’un mandat spécial du pape à l’attention d’Ouellet, qui en tant que chef du dicastère des évêques n’était pas compétent pour l’institut de Pontcallec.
La déclaration de l’avocate Le Gouvello De La Porte a souligné que « le tribunal a également noté que aucun des actes concernant sœur Marie Ferréol n’a été signé par le pape, mais plutôt par le cardinal Ouellet et son secrétaire ». En ce qui concerne l’accusation de partialité, le tribunal a vivement reproché au cardinal canadien d’avoir émis les décrets d’exclusion malgré le fait qu’il soit « très ami avec l’une des sœurs de l’Institut des Dominicaines du Saint-Esprit, sœur Marie de l’Assomption, dont les positions étaient notoirement opposées à celles de Mme Baudin de la Valette ».
En effet, dès le début, des soupçons pesaient sur cette affaire, suggérant que le conflit existant au sein de la communauté entre les deux sœurs, l’une ayant publié sa thèse de doctorat sur saint Thomas d’Aquin avec une préface écrite par Ouellet, aurait pu jouer un rôle.
Reconnaissant les droits de l’ancienne religieuse, le tribunal civil de Lorient a estimé ne pas trouver dans les documents produits par les dominicaines et les visiteurs apostoliques « la confirmation que les motifs très généraux apparaissant dans les décrets d’exclusion et ensuite de démission de Mme Baudin de la Valette, rédigés par le cardinal Ouellet, étaient réellement fondés sur des faits graves et précis, qui n’ont pas été déclarés, justifiant la sévérité des sanctions prononcées, en outre sans respecter le droit canonique et les droits fondamentaux de la personne .
C’est un véritable revers judiciaire pour l’ancien chef de dicastère et pour les autres personnes impliquées dans l’affaire Ferréol, qui a été reconnue comme victime d’un « licenciement infamant et vexatoire, sans avoir commis le moindre délit, sur la base de motifs non établis et ayant été renvoyée à la vie laïque sans pitié ».
L’association des Dominicaines du Saint-Esprit, les visiteurs apostoliques dom Nault et mère Desjobert et le cardinal Ouellet ont été condamnés à verser une somme dépassant les 200 000 euros à l’ancienne religieuse.
La majeure partie des dommages moraux et matériels sera supportée par le cardinal, probablement considéré comme le principal responsable de ce que les juges civils de Lorient ont dû considérer comme une injustice.
La défense de la communauté religieuse et des deux visiteurs apostoliques a déjà annoncé son intention de faire appel, tandis que le cardinal a choisi de ne pas nommer d’avocat.
Pour Le Gouvello De La Porte, avocate de la plaignante, « La reconnaissance de l’injustice, des irrégularités et des fautes commises à son encontre lui permettra de se diriger vers la réhabilitation morale et le retour à l’état consacré au sein de l’Église ».
Le jugement de la justice civile française constitue un coup dur pour l’image du Saint-Siège directement impliqué dans la condamnation d’un cardinal à l’époque des faits à la tête d’un dicastère.
En attendant l’appel, le Vatican risque de faire mauvaise figure sur la scène internationale avec la reconnaissance judiciaire d’un licenciement sans cause justifiée – aggravé par le manquement aux devoirs d’assistance – d’une religieuse « vétérane » de 34 ans de vie communautaire, et pourrait perdre en crédibilité quant aux appels en faveur des droits des travailleurs et de la justice sociale si souvent prononcés par le Pape.
Adapté et traduit de la NBussola