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Les nouvelles priorités liturgiques du Pape François

DR communauté Saint martin
Le pape François semble promouvoir une approche qui vise à préserver la beauté et la solennité des célébrations liturgiques tout en adoptant des aspects contemporains.

Le 21 août 2024, le cardinal Pietro Parolin a envoyé une lettre à Monseigneur Claudio Maniago, archévêque de Catanzaro-Squillace, pour inaugurer la 74e Semaine liturgique nationale à Modène. Dans ce message, les priorités liturgiques définies par le pape François sont clairement mises en avant. Ces priorités incluent la redécouverte de la liturgie comme une véritable prière de l’Église, l’importance du chant sacré, la valorisation du silence, et la diversité des ministères.

La lettre du cardinal Parolin ne fait pas référence aux pratiques liturgiques des fidèles attachés à la tradition , mais elle appelle à une liturgie qui respecte les traditions sacrées tout en intégrant des éléments modernes comme le chant sacré et le silence. Le pape François semble promouvoir une approche qui vise à préserver la beauté et la solennité des célébrations liturgiques tout en adoptant des aspects contemporains.

Importance du Chant Sacré : Le chant sacré est présenté comme une partie intégrante de la liturgie, essentielle pour exprimer la foi de la communauté. Le cardinal cite Saint Paul VI, soulignant que « si les fidèles chantent, ils ne désertent pas l’Église ; s’ils ne désertent pas l’Église, ils conservent la foi et la vie chrétienne » (Discours à l’Assemblée plénière de l’Épiscopat d’Italie, 14 avril 1964). La musique est donc considérée non comme un simple ajout, mais comme une composante fondamentale qui contribue à l’épiphanie du mystère célébré.

Le Silence dans la Liturgie : Le pape François encourage à valoriser le silence comme un temps de contemplation et de profondeur spirituelle. Le silence est vu comme un contraste nécessaire avec la frénésie quotidienne, offrant un espace pour une rencontre authentique avec Dieu. Il est mentionné que « le silence est un espace fécond pour demeurer dans l’amour du Seigneur, cultiver un regard contemplatif et se laisser transformer par l’Esprit » (cf. 1 Rois 19,12).

Diversité des Ministères : La lettre met en avant la « ministerialità liturgica » comme un fruit de la diversité des dons dans la communauté chrétienne. Cette diversité, selon le pape François, nourrit la participation active et la coresponsabilité au sein de l’assemblée, reflétant l’indole synodale de l’Église.

Cela soulève une question importante : cette orientation vers une liturgie renouvelée est-elle un signe adressé aux fidèles attachés à la tradition ? Peut-elle être interprétée comme une invitation pour ces fidèles à continuer de prier selon les pratiques traditionnelles ou « une invitation » à intégrer les nouvelles priorités suggérées ?

Lettre du cardinal Pietro Parolin traduite en Français

« Message du Saint-Père François pour la 74e Semaine Liturgique Nationale : La Liturgie comme Véritable Prière de l’Église

Vatican, 21 août 2024

À Son Excellence Révérendissime Mons. Claudio Maniago, Archevêque Métropolitain de Catanzaro-Squillace et Président du Centre d’Action Liturgique

Excellence Révérendissime,

Je suis heureux de transmettre le message du Saint-Père pour les travaux de la 74e Semaine Liturgique Nationale, organisée par le Centre d’Action Liturgique et accueillie par l’Église de Modène-Nonantola, riche en histoire et en dons de sainteté. Le Pape François, en adressant ses salutations à tous ceux qui participeront à la Semaine en tant qu’organisateurs, conférenciers, participants et bénévoles, assure un souvenir spécial dans la prière pour la meilleure réussite des sessions d’étude et des moments célébratifs.

La Semaine Liturgique à laquelle vous vous apprêtez à participer a pour thème « Dans la liturgie, la véritable prière de l’Église. Peuple de Dieu et ars celebrandi. “Le fruit des lèvres qui confessent son nom” (Hb 13,15) ». Ce thème revient à la spécificité de la prière liturgique, qui se détourne de toute forme d’individualisme et de division.

Elle est, en effet, « participation à la prière du Christ, adressée au Père dans l’Esprit Saint » (Catéchisme de l’Église Catholique, n. 1073) ; elle est partage du souffle aimant de l’Église-Épouse, qui fait sentir partie de la communauté des disciples de tous les lieux et de tous les temps ; elle est école de communion qui libère le cœur de l’indifférence, rapproche les frères et conforme aux sentiments de Jésus ; elle est voie maîtresse qui nous transforme, en nous éduquant dans l’Église à la vie bonne de l’Évangile.

Chers amis, la liturgie – comme le disait Romano Guardini – « introduit toute l’ampleur de la vérité dans la prière ; en fait, elle n’est rien d’autre que la doctrine priée, la vérité revécue en priant » (L’esprit de la liturgie).

Les paroles du grand théologien réaffirment l’évidence de la dimension objective de la liturgie, qui « demande à être célébrée avec ferveur, pour que la grâce répandue dans le rite ne se perde pas, mais atteigne la vie de chacun » (François, Catéchèse du 3 février 2021).

Cette nécessité incontournable transparaît également dans votre programme d’étude qui remet à l’ordre du jour l’ars celebrandi, engagement et attitude que tous les baptisés sont appelés à vivre pour sortir de leur individualité et s’ouvrir au « nous » de l’Église en prière.

Dans la Lettre apostolique sur la formation liturgique, le Pape François rappelle que les gestes propres de l’assemblée, tels que se rassembler, les postures du corps, le silence, les expressions vocales, l’engagement des sens, sont les manières dont elle participe à la célébration (cf. Desiderio desideravi, 51). Il ajoute ensuite que « faire tous ensemble le même geste, parler tous ensemble d’une seule voix, transmet aux individus la force de toute l’assemblée. C’est une uniformité qui non seulement ne mortifie pas, mais, au contraire, éduque les fidèles à découvrir l’unicité authentique de leur personnalité non dans des attitudes individualistes, mais dans la conscience d’être un seul corps » (ibid.).

Partant de ces perspectives, le Saint-Père souhaite vous transmettre quelques priorités concrètes pour mettre en avant votre réflexion sur la Liturgie comme « véritable » prière de l’Église.

Le premier engagement qui nous est demandé est de redécouvrir la co-réalité de la prière liturgique, à travers laquelle, en nous unissant à la langue maternelle de l’Église, nous devenons un seul corps et une seule voix. Saint Augustin nous a rappelé le profond rapport de notre prière avec le Christ :

lorsque nous prions en parlant à Dieu, c’est Jésus lui-même qui « prie pour nous, prie en nous et est prié par nous. […] Reconnaissons donc en lui nos voix et ses voix en nous » (Enarr. in ps. 85, 1 : CCL 39, 1176).

La beauté de la vérité de la prière chrétienne réside justement dans cet entrelacement de voix, que nous pourrions justement appeler co-réalité. Toute prière chrétienne est toujours à plusieurs voix, comme toute action liturgique est toujours à plusieurs mains : nous sommes unis à Christ, et en Christ nous retrouvons toute l’humanité. Maintenant, la valeur de cette co-réalité de la prière liturgique ne doit pas seulement être affirmée, mais doit être expérimentée à travers notre célébration.

Un des moments les plus importants où nous pouvons faire cette expérience est la Liturgie des Heures, qui mérite encore un engagement pour devenir effectivement prière du peuple de Dieu. Que nos communautés se remettent à élever en chœur la prière des Psaumes et apprennent à vivre, dans la liturgie et dans la vie, la valeur de l’unité et de la communion.

Le deuxième aspect proposé à votre engagement dans la pastorale liturgique est le rapport avec le chant sacré. La musique dans la liturgie n’est pas un élément ornemental, mais en est une partie intégrante et nécessaire (Sacrosanctum Concilium, 112), contribuant avec les autres langages qui composent la liturgie à l’épiphanie du mystère célébré. Dans le chant, en effet, les fidèles vivent et expriment leur foi. Saint Paul VI écrivait avec grande sagesse à ce sujet :

« Si les fidèles chantent, ils ne désertent pas l’Église ; s’ils ne désertent pas l’Église, ils conservent la foi et la vie chrétienne » (Discours à l’Assemblée plénière de l’Épiscopat d’Italie, 14 avril 1964). Le Pape recommande donc une attention particulière, notamment lors de la célébration de l’Eucharistie dominicale, rappelant que dans le chant, par l’accord des voix, s’exprime l’union spirituelle de ceux qui communient, se manifeste la joie du cœur et est mis en lumière le caractère communautaire de ceux qui s’approchent pour recevoir l’Eucharistie (cf. Ord. Gen. Missel Romain, 86).

La troisième consigne concerne le silence auquel la liturgie nous éduque, comme le montrent les rappels continus dans la synaxe eucharistique à l’acte de se taire. Le Pape demande donc de contraster la frénésie, les bruits et les bavardages qui nous assaillent dans la vie quotidienne en valorisant le silence sacré, geste éloquent, temps favorable et espace fécond pour demeurer dans l’amour du Seigneur, cultiver un regard contemplatif, donner profondeur à la prière du cœur et se laisser transformer par l’Esprit. Cette familiarité à accueillir le silence est le véritable présupposé pour que l’Église puisse se mettre à l’écoute de Celui qui se révèle dans le « murmure d’une brise légère » (cf. 1Rois 19,12).

La quatrième et dernière dimension que le Saint-Père confie à votre soin est la promotion de la ministerialità liturgica, comme fruit de l’être Église de la Pentecôte (cf. Desiderio desideravi, 33). Dans cette perspective, et non dans une perspective fonctionnelle, il est important de lire les ministères au service de la liturgie : en eux se manifeste en effet la diversité des dons que l’Esprit Saint suscite dans la communauté chrétienne.

La présence d’une ministerialità diversifiée, nourrie par la communion en Christ, alimente la participation active de l’assemblée et promeut la coresponsabilité dans la mission en manifestant, concrètement, l’indole synodale de l’Église. Cette prise de conscience, comme nous l’a rappelé le Pape François (cf. ibid., 38), exige un engagement constant dans la formation, pour éviter les personnalismes et les manies de protagonisme et réaliser un véritable service à la communion.

Le Saint-Père, en envoyant sa bénédiction à Votre Excellence, à S. E. Mons. Erio Castellucci, Archevêque de Modène-Nonantola et Evêque de Carpi, aux autres Évêques et à tous les participants, espère que ces consignes encourageront nos communautés chrétiennes à vivre la prière liturgique comme rencontre avec le Seigneur Ressuscité et avec son Corps qui est l’Église.

En exprimant également mes souhaits personnels, je profite de cette occasion pour me confirmer avec des sentiments de respect distingué

De Votre Excellence Révérende, dévotement, Pietro Card. Parolin Secrétaire d’État »

Original du texte paru dans le Bollettino:

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