Dans l’interview parue dans le dernier numéro de L’Appel de Chartres publié par Notre Dame de Chrétienté , le docteur Claire Fourcade, présidente de la Société Française d’Accompagnement des Soins Palliatifs (SFAP), nous livre une réflexion essentielle sur les enjeux de la fin de vie, au cœur d’un débat de plus en plus clivant. Elle revient sur ses motivations à écrire son livre Journal de la fin de vie, une œuvre qui dévoile la réalité de l’accompagnement en soins palliatifs et la fracture entre la réalité vécue par les soignants et le discours politique trop souvent déconnecté du terrain.
Née dans les années 80-90, la SFAP a été fondée avec une approche pluridisciplinaire unique, rassemblant soignants, philosophes, juristes et bénévoles pour défendre un modèle d’accompagnement humanitaire et respectueux des derniers instants de la vie. Pourtant, malgré l’inscription des soins palliatifs dans la loi depuis 1999, Claire Fourcade déplore l’accès encore trop limité à ces soins, avec seulement 50% des patients en fin de vie bénéficiant de cette prise en charge cruciale. En 2023, 150 000 patients sont ainsi décédés sans avoir eu accès aux soins palliatifs, une situation inacceptable aux yeux de la présidente.
Elle évoque également la question de l’euthanasie, soulevant un paradoxe fondamental : dans le cadre des discussions actuelles sur la fin de vie, certains souhaitent renforcer le pouvoir des médecins pour décider de la vie ou de la mort des patients, une évolution qui, selon elle, est contraire à l’esprit même des soins palliatifs. « Les soins palliatifs sont une lutte contre le pouvoir médical », affirme Claire Fourcade, en rappelant que ces soins doivent avant tout se concentrer sur le soulagement de la souffrance et non sur la prise de décisions radicales.
Selon elle, la demande de mort est toujours le signe d’une souffrance profonde, mais elle est rarement une décision philosophique. Il s’agit davantage d’un appel à être écouté, à être compris dans sa détresse.
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Au sujet des demandes d’euthanasie, Claire Fourcade insiste sur l’importance de l’écoute, sans jugement. Elle rappelle que dans son expérience, les patients qui expriment ce souhait souffrent souvent de peurs liées à la souffrance, à la perte d’autonomie, ou à la dégradation de leur condition. L’accompagnement, la prise en charge de la douleur et l’écoute attentive peuvent parfois transformer ces demandes et redonner espoir.
L’une des contributions essentielles de la SFAP est de souligner que, contrairement à la perception commune, la fin de vie n’est pas nécessairement synonyme de souffrance intense. Claire Fourcade insiste sur le fait que la majorité des patients ne souffrent pas autant qu’on le pense, même dans des cas de cancers avancés. Les soins palliatifs, avec leurs pratiques sédatives, permettent d’atténuer la souffrance et d’offrir aux patients une fin de vie plus sereine.
Le docteur Fourcade appelle donc à une prise de conscience collective et à une action immédiate face à l’avancée législative imminente sur la fin de vie. Elle invite les citoyens, et notamment les pèlerins de Chartres, à se mobiliser en écrivant à leurs députés, soulignant que la voix des soignants et des patients doit être entendue dans ce débat. « Le projet de loi revient les semaines du 12 et du 19 mai, mobilisons-nous ! » conclut-elle, appelant à un mouvement d’opinion fort et partagé.
La fin de vie est, sans aucun doute, un sujet complexe qui ne se limite pas à un choix binaire entre souffrance et euthanasie. Les deux textes en débat à l’Assemblée nationale, probablement au mois de mai prochain, promettent de soulever de nombreuses questions éthiques, politiques mais également religieuses. Le défi reste immense : garantir un accompagnement digne pour tous,éviter que la souffrance des patients soit réduite à une simple question de législation et garder le sens sacré de la vie, véritable don de Dieu.
