Un dessin animé (pour adultes) où les habitants de l’enfer sont victimes d’un “ciel méchant” : un renversement diabolique. L’Association Internationale des Exorcistes dénonce les dangers de cette normalisation du mal.
Réhabiliter les habitants de l’enfer pour les soustraire à l’extermination ourdie par le paradis : c’est sur ce retournement entre bons et méchants que se joue la série diffusée sur Prime Vidéo.
Une série animée, bien que classée pour les + de 18 ans et plus en raison du langage explicite et vulgaire, ce qui est peut-être le moindre des problèmes. Le principal est justement la représentation presque rassurante de l’enfer opposée à un ciel mauvais et vengeur.
C’est en fin de compte l’une des mille variantes de cet “intérêt excessif et malsain” pour les démons (opposé à l’erreur spéculaire de ceux qui n’y croient pas du tout) mentionné par Clive S. Lewis : il y a l’intérêt malsain de ceux qui s’adonnent à l’exorcisme amateur (avec parfois des résultats tragiques, comme le massacre d’Altavilla) et celui tout aussi malsain de ceux qui cultivent une familiarité au moins imprudente avec le “plan inférieur”.
Hazbin Hotel part d’un problème de surpopulation en enfer (au grand dam de ceux qui pensent qu’il est vide) : pour le résoudre, des anges exterminateurs dirigés par Adam, également appelés “exorcistes” dans la série, interviennent chaque année avec des massacres périodiques. “Pauvres diables”, dira le spectateur…
Pour les sauver du carnage céleste intervient “Charlie” Stella du Matin, fille de Lucifer et Lilith, avec l’idée brillante de créer un endroit – l’Hazbin Hotel, précisément – où les démons et les damnés, qui ne seraient jamais acceptés au paradis, pourraient se réhabiliter. Ainsi, ils pourraient accéder au ciel au lieu d’être annihilés.
L’entreprise est menée avec son “compagnon” Vaggie (ancien ange exterminateur, banni du ciel car, ému par la compassion pour un démon, elle avait refusé de le tuer) et Anthony “Angel” Dust, démon androgyne, gay et star du porno, ainsi que premier client de l’hôtel.
À la fin, ce sont les anges qui sont renvoyés au paradis : l’inversion exacte de l’invocation qui conclut la prière à l’archange saint Michel : “renvoie en enfer Satan et les autres esprits mauvais qui errent dans le monde pour perdre les âmes”.
Mais aussi attrayante que puisse paraître l’idée au public, en particulier aux plus jeunes (et peut-être même à certains théologiens), l’enfer ne peut pas être rédimé : une note de l’Association Internationale des Exorcistes clarifie ce point dans Hazbin Hotel en le définissant comme “une distorsion planifiée du récit biblique qui mythifie le message chrétien de salut et nuit à la conscience du public, en particulier des enfants et des adolescents”.
En effet, elle est “formellement interdite aux mineurs, mais accessible à tous (d’autant plus qu’elle est animée et donc d’un attrait certain pour les plus jeunes)”, présentant “un univers narratif faux et déviant sur le plan théologique, culturel et éducatif”. Pour ce qui est de la religion,
il est impossible de ne pas se demander encore une fois pourquoi la seule religion constamment – et impunément – prise pour cible est toujours le christianisme, des programmes télévisés à la vie quotidienne, tandis que l’on fait preuve du plus grand respect pour toutes les croyances, même les plus obscures.
Le problème principal est la “normalisation du mal”, ainsi que la “sous-estimation de sa réelle dangerosité”, en dépeignant “les démons et les damnés de manière humoristique”.
En faisant ainsi, ils deviennent familiers, domestiqués, incitant le spectateur à adopter une attitude sympathique envers les habitants de l’enfer, même victimes de ce paradis “méchant” qui les massacre sans pitié, alors qu’ils voudraient se racheter, en “outrageuse et recherchée contradiction avec l’enseignement catholique sur la confession, le repentir et la véritable conversion du cœur vers Dieu”.
Voici le malentendu “diabolique” (c’est le cas de le dire) inculqué par la série : une rédemption sans conversion. Mieux encore, pire encore : sans vouloir se racheter. En oubliant que même si, par absurde, le ciel s’ouvrait aux démons et aux damnés, ce serait eux qui ne voudraient pas y entrer, en vertu d’un choix irrévocable pour le mal qu’ils auraient fait de manière définitive eux-mêmes.
L’enfer, expliquait saint Jean-Paul II, “est la situation où se place définitivement celui qui rejette la miséricorde du Père, même au dernier instant de sa vie”, précisant que “la ‘damnation’ consiste précisément en l’éloignement définitif de Dieu librement choisi par l’homme et confirmé par la mort qui scelle pour toujours cette option” (L’enfer comme refus définitif de Dieu, 28 juillet 1999).
Une réalité tragique que cette série télévisée “normalise” comme le précise l’association internationale des exorcistes :
“Sa vision impitoyable des démons et de leur sort (décrit comme injuste) peut favoriser une conception déformée du péché et encourager une normalisation de l’occultisme, augmentant le risque que les personnes, en particulier les jeunes, se rapprochent des pratiques magiques, cherchent à interagir avec des entités maléfiques jusqu’à adhérer à une vision sataniste de la réalité”.
Des conséquences exagérées ?
Pas si sûr… si au fond le mal ne fait plus peur et que l’enfer se transforme en une sorte de pays des jouets, habité par ces petits diablotins apparemment innocents, jouant même le rôle de victimes d’un Dieu impitoyable, lui, le véritable antagoniste.
Rappelons-nous que “la plus grande ruse du mal est de se déguiser en dieu domestique et discret, familier et rassurant”. Tellement rassurant qu’il inverse la rédemption de la lutte contre le mal à la lutte contre le bien, non par la grâce de Dieu mais contre Lui. Facile dans notre époque qui rit des peurs “archaïques” du diable, mais manifeste une véritable phobie envers le Christ…
Adapté et traduit de la Bussola